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La Nuit des vampires (1964) – Dans le noir


Allemagne, Yougoslavie - 1964 - Ákos Ráthonyi
Titres alternatifs : Der Fluch der grünen Augen, Cave of the Living Dead
Interprètes : Adrian Hoven, Wolfgang Preiss, Karin Field, Carl Möhner, Erika Remberg, Emmerich Schrenk, John Kitzmiller...

D’origine hongroise, Ákos Ráthonyi travaille à Hambourg ou à Londres et se destine au métier d’acteur, avant de devoir se reconvertir en metteur en scène à cause de son accent prononcé. Derrière la caméra, il conçoit des films plutôt insignifiants, que ce soit des comédies ou des films érotiques. Même son Edgar Wallace, Le Narcisse jaune intrigue Scotland Yard (1961) reste un film mineur. Au sein de la filmographie de Ákos Ráthonyi, La Nuit des vampires, reste, pour sa part, son film le plus connu, parce qu’il s’agit d’une des rares incursions du cinéma allemand dans l’horreur et le fantastique.

Alors oui, bien sûr, il y a aussi Le Vampire et le sang des vierges, réalisé trois années plus tard et qui pourrait laisser supposer que le pays de Friedrich Wilhelm Murnau s’est toujours intéressé à l’horreur. Mais le chef-d’œuvre du talentueux Harald Reinl reste l’arbre qui cache la forêt. Pourtant, l’Allemagne dispose bien d’une tradition dans le fantastique ainsi que l’horreur. Toutefois, cet héritage s’avère moins présent dans le cinéma que dans d’autres arts. Par exemple, en littérature, l’une des figures majeures du fantastique gothique à l’allemande se trouve incarnée par le personnage de John Sinclair, inspecteur en chef à Scotland Yard, œuvrant dans un service spécialisé dans les phénomènes paranormaux. Son sacerdoce, mettre fin aux activités des créatures de la nuit : goules, morts-vivants, suppôts de Satan et autres vampires.

La Nuit des vampires (1964) - Dans le noir
La Nuit des vampires (1964) - Dans le noir

L’alter ego de John Sinclair dans La Nuit des vampires est ici l’inspecteur Frank Dorin, incarné par l’Autrichien Adrian Hoven. Utilisé dans le Heimatfilm, le policier et, plus tard, par Rainer Werner Fassbinder, l’acteur connaîtra des déconvenues en réalisant lui-même ses films. Son Der Mörder mit dem Seidenschal connaîtra effectivement un échec cuisant au box-office, obligeant Adrian Hoven à travailler dans des films à très faibles budgets. Ainsi, il doit se résoudre à réaliser un bien moins ambitieux Le Château des passions sanglantes avec Howard Vernon ou participer à des Jess Franco érotiques comme Rote Lippen, Sadisterotica (1969), Küss mich, Monster (1969) ou Les Yeux verts du diable (1968). Néanmoins, pour les amateurs de cinéma bis, Adrian Hoven, c’est surtout le sulfureux La Torture (1976) qui s’intéressait de très près aux exactions perpétrées par l’Église catholique durant l’Inquisition.

Sacrée carrière donc, que celle d’Adrian Hoven ! Ici, devant la caméra, le bonhomme est garant d’une bonne humeur communicative, à l’instar de John Sinclair justement. Détendu et sympathique, il est présent dans chaque scène qu’il irradie de son humour décontracté. Ainsi, bien qu’inspecteur d’Interpol, il se plaint, tel un cégétiste de base, de ses heures de travail surchargées. Ceci dit, comme tout bon fonctionnaire qui se respecte, une fois au travail, sa conscience professionnelle ne peut plus être mise en doute.

Ses compétences, il doit ici les mettre au service d’une enquête qui le mène dans un petit village. Là, la découverte de sept jeunes femmes décédées confronte la police locale à un mystère bien délicat à résoudre. Dépéché par Interpol, qui le considère comme l’un de ses meilleurs éléments, l’inspecteur Frank Dorin subit une panne de voiture à peine arrivé au village. En cause, la batterie de sa voiture : à sec. Or, son supérieur avait prévenu Frank que chaque décès survenu dans le village s’était singularisé par une inexplicable coupure de courant.

L’aubergiste qui reçoit Frank en détresse appuie la thèse du surnaturel, précisant que les vampires vivent dans une grotte à proximité du château. Même si le médecin du village considère ces théories comme de vulgaires boniments, la sorcière, quant à elle, semble moins catégorique… Qui croire ? Pour un début de réponse à cette question, s’impose une petite visite au sinistre professeur Adelsberg qui vit précisément dans le château au-dessus des grottes. Une idée d’autant plus judicieuse que le majordome afro-américain s’avère plutôt rigolo… Et son assistante carrément jolie…

La Nuit des vampires (1964) - Dans le noir
La Nuit des vampires (1964) - Dans le noir

Une campagne brumeuse, de vieilles maisons aux portes qui grincent, des grottes obscures peu accueillantes, un château doté de passages secrets aux toiles d’araignées tenaces… C’est peu dire que l’ambiance de La Nuit des vampires s’oriente délibérément du côté de celle du Masque du Démon (1960) de Mario Bava. Le film conserve toutefois un ton décalé, joyeusement délivré par l’humour de l’inspecteur Dorin. Sa bonne humeur, son charisme, son sarcasme et son charme ne séduisent pas seulement le spectateur, mais aussi la délicieuse Karin Field. Originaire de Hambourg, l’Allemande débutait alors une jolie carrière dans le bis qui allait l’amener à donner corps à la terrifiante Lady De Winter dans l’un des chefs-d’œuvre de Jess Franco, Les Démons (1973), relatant les diverses tortures devant nécessairement être infligées en des époques reculées afin de trier le bon grain de l’ivraie entre les malfaisantes sorcières et les femmes honnêtes, s’il en est.

Plus légère, l’ambiance décontractée de La Nuit des vampires rappellera peut-être à certains celle d’un bon épisode de la série Scoubidou (1969-1978) sauf que le méchant de l’affaire, Wolfgang Preiss, ne porte pas de masque. Star incontestée du casting, Wolfgang Preiss s’est d’abord illustré dans bon nombre de rôles d’officiers de la Wehrmacht, comme à l’occasion de Échappement libre (1964) aux côtés de Jean-Paul Belmondo. Cependant, l’acteur reste célèbre pour avoir donné sa voix suave au Dr Mabuse dont il reprend le rôle lors du retour de Fritz Lang dans son pays d’origine en 1960. Wolfgang Preiss incarnera le mal véritablement incarné dans les suites octroyées au diabolique docteur Mabuse assurant à l’acteur une popularité importante en Allemagne. En France, il évoquera plutôt quelque chose aux personnes ayant eu la chance de voir Le Moulin des supplices (1960).

Dans La Nuit des vampires, Wolfgang Preiss incarne un vampire résolument moderne puisque ses exactions génèrent des coupures d’électricité. Ne voilà-t-il pas une excuse originale dont pourrait s’inspirer les communicants d’Enedis pour disculper leur entreprise de ses responsabilités en matière de livraison d’énergie ?

La Nuit des vampires (1964) - Dans le noir
La Nuit des vampires (1964) - Dans le noir

Quoi qu’il en soit, ce petit problème électrique, généré par les morsures du vampire, ne fera pas l’objet d’une explication en bonne et due forme, ce qui ne revêt pas le seul problème du film. L’évolution surprenante des positions de certains seconds rôles en est un autre. Difficile, par exemple, de cerner le docteur du village… Certes, la campagne est réputée pour être un désert médical, mais de là à avoir des médecins incompétents au point de diagnostiquer sept décès par crise cardiaque chez des filles d’une vingtaine d’années sans y trouver rien de surprenant, c’est un peu tiré par les cheveux.

Par ailleurs, le spectateur devra accepter qu’un inspecteur d’Interpol passe son temps libre à draguer les midinettes derrière le rideau de fer, ou qu’il prête trop facilement l’oreille aux élucubrations de la sorcière du village.

On trouve même quelques passages irrésistiblement et involontairement drôles. Par exemple, lorsque le majordome décide enfin de fuir le professeur louche, l’inspecteur soucieux lui demande de savoir où il compte loger. Le bon gars, confiant, explique que, comme la jeune assistante comptait également quitter les lieux, il envisageait tout simplement d’aller squatter chez elle. Visiblement gênée, l’assistante qui apprend les intentions du bonhomme ne sait pas trop comment dire non et rétorque, du tac au tac : « Oui bon, je ne suis pas certaine que mon salaire suffira à nous deux… » Un dialogue pas vraiment approprié eu égard à la situation dramatique dans laquelle se trouve plongé le village…

Plus ennuyeux, la résolution de l’énigme ne générera aucune difficulté à l’inspecteur puisque le vampire posera zéro résistance en restant bien gentiment couché et assoupi dans son cercueil pendant que l’héroïque policier lui enfonce peinardement un pieu dans la poitrine.

Autant d’éléments qui ne laissent aucun doute sur l’appartenance de La Nuit des vampires à la catégorie nanar. Toutefois, la jolie ambiance, l’intrigue sympathique et un héros accrocheur font facilement oublier le scénario bancal et les scories qui vont avec.


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Entretien avec Wolfgang Preiss in Sueurs Froides 29


Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
je vous propose de découvrir différentes facettes méconnues
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