Le Mort dans le filet : pionnier de la sexploitation
En 1962, la RFA démontrait qu’elle était capable de produire des westerns à l’américaine avec Le Trésor du lac d’argent, premier épisode de la franchise Winnetou. Ce que l’on sait moins, c’est que deux années auparavant, l’Allemagne avait également mis en évidence ses talents dans la confection de petites bandes horrifiques sans-le-sous dans la foulée de ce que produisait Roger Corman. Grâce à ses monstres ridicules, Le Mort dans le filet allait même, bien plus tard, figurer parmi les cultissimes Craignos Monsters de Jean-Pierre Putters.
Huit danseuses et leur manager Gary tentent de rallier Singapour pour assurer un show sexy. Malheureusement, à la suite du crash de l’avion, l’équipe échoue sur une île abandonnée. Après s’être remis de leurs émotions, nos Robinson décident d’explorer les lieux et découvrent une mystérieuse cabane. À l’intérieur les attend une vision d’horreur : un cadavre suspendu dans une immense toile d’araignée !
Cette découverte ne refroidit pas le manager. Malgré la présence de son épouse, le bellâtre, conscient d’être le seul homme de la troupe, tente de profiter de cette situation avantageuse pour faire des propositions indécentes à ses compagnes d’infortune. Heureusement pour la morale, l’épouse jalouse préserve son territoire.
Vexé, Gary part en promenade. C’est au fond de la jungle que le malheureux Don Juan rencontre l’indicible, à savoir une araignée géante de la taille d’un gros chien. Mordu, il se transforme en une créature laide comme un pou.
Prem’s dans la ringardise
Il existe une jolie expression allemande pour indiquer poliment qu’un produit ne fait manifestement pas partie de ce qui se fait de mieux… On dit de cette œuvre qu’elle “n’est pas le jaune de l’oeuf”…
Cette métaphore semble avoir été inventée pour Le Mort dans le filet qui fait clairement office de nanar.
L’oeuvre, déconcertante, n’en demeure pas moins un film culte, statut qu’elle mérite amplement eu égard à l’incrédulité qu’elle génère lors de son visionnage.
Par exemple, après la découverte d’un cadavre et la disparition du seul homme de l’effectif, on pourrait s’attendre à ce que les filles paniquent ou, a minima, se fassent un peu de mouron… À la place, elles se la coulent douce et se dorent la pilule au soleil.
Le Mort dans le filet représente malgré tout le summum de la filmographie de Fritz Böttger, metteur en scène anonyme spécialisé dans les opéras, réalisateur de Heimatfilme oubliés au début des années 50.
Ce véritable navet s’avère aussi le premier film de Barbara Valentin, érigée en icône sexy des années 60 en raison de ses déboires avec diverses célébrités de l’époque.
Les chiens ne font pas des chats…
Ce n’est pas une surprise car, en réalité, le film de Fritz Böttger s’illustre moins dans le domaine de l’épouvante que dans celui de l’érotisme léger…
En effet, la générosité avec laquelle la demi-douzaine de demoiselles expose au soleil les charmes de ses courbes assure au film une bonne place parmi les pionniers européens de la sexploitation, sous-genre du film érotique, d’origine américaine qui eu son heure de gloire dans les années 60.
D’ailleurs, lorsque deux scientifiques débarquent sur l’île censément perdue, les filles ont tôt fait d’oublier la menace arachnide et n’ont plus qu’une idée en tête : vampiriser les mâles. À tour de rôle, chacune se soumet à leur bon plaisir… Plus que l’araignée géante, c’est probablement ici que l’on trouve l’aspect réellement fantastique du film…
Le danger oublié, il n’est plus question que d’écouter de la musique jazz et de s’amuser à en perdre la tête… L’une des poulettes tombe même éperdument amoureuse d’un certain Bobby, alors qu’elle ne le connaît que depuis 5 minutes à peine…
La frivolité est au coeur de l’ensemble… D’ailleurs, dans sa version intégrale, le film propose quelques scènes aussi gratuites qu’une chorégraphie exécutée seins nus, ou presque, vaguement dissimulés sous un collier de fleurs.
Un coin de paradis pour les hommes
Plus loin, les bienheureux spectateurs de cette « director’s cut » seront enchantés par une bagarre entre dames peu vêtues…
Le moment le plus savoureux est celui où Gary, mâle alpha dans toute sa splendeur, enjambe les filles lascivement étendues les unes à côtés des autres souffrant d’une chaleur si étouffante qu’elles n’ont conservé en guise de vêtement que le strict nécessaire. Toutes ces femmes offertes à un seul homme… Voilà, ni plus ni moins, que la définition de l’Eden ! Existe-t-il seulement un autre film qui aura avec tant d’exemplarité touché du doigt le concept de félicité ?
Ces séquences sont évidemment gratuites, filmées dans un visuel fidèle aux années 60, mais incontestablement plaisantes si on fait l’effort de les prendre au second degré.
L’honnêteté intellectuelle enjoint d’ailleurs à une certaine bienveillance… Le budget est évidemment famélique, comme l’atteste l’accident d’avion cadré hors-champ, suggéré par les seuls hurlements de deux filles hystériques filmées sur un fond noir.
L’ineptie entendue du produit, sa générosité en rebondissements, ainsi que son érotisme naïf, inciteront nécessairement à l’indulgence les personnes qui ont les prédispositions nécessaires pour savourer ce genre de spectacle coupable…
Ein Toter hing im Netz – Allemagne – 1960 ; réalisation : Fritz Böttger ; interprètes : Alexander D’Arcy, Harald Maresch, Barbara Valentin, Helga Franck, Allen Turner, Helga Neuner…