Nekromantik 2 (1991) – le point de vue féminin

L’ombre de la plus célèbres des nécrophiles, Karen Grenlee, plane au-dessus de Nekromantik 2, comme l’atteste le croquis qu’elle a dessiné et qu’on entraperçoit négligemment accroché au mur lorsque Monika fait l’amour avec le cadavre de Robert…

En 1979, la jeune Américaine, alors âgée de 23 ans, a subtilisé un cadavre au salon funéraire où elle travaillait comme apprentie à Sacramento. Privés de funérailles, les endeuillés ont alors appris que la dépouille s’était évanouie dans la nature pour une dernière et folle lune de miel. Lorsque la police a retrouvé les amants près du corbillard, Karen Grenlee a avoué aux autorités qu’elle n’en était pas à son premier coup de foudre… Elle avait en effet déjà commis le péché originel avec 20 à 40 autres reliques humaines… Plus tard, dans une interview, elle a expliqué sa déviance par un attrait pour le macabre, le froid, l’aura de la mort et son odeur.

Plus grotesque tu meurs

Tout comme son prédécesseur, Nekromantik 2 est cependant trop grotesque pour proposer une approche crédible de la perversion nécrophile. Lynne Stopkewich avait d’ailleurs bien compris qu’on ne pouvait pas aborder la question en versant dans le grand-guignol. Kissed, son film réalisé en 1996 également basé sur l’histoire de Karen Grenlee, proposait une approche bien plus crédible et réaliste, laissant les cadavres en liquéfaction à Dan O’Bannon et à son Retour des morts-vivants.

Nekromantik 2 reprend là où Jörg Buttgereit a laissé ses tragiques héros… Robert, mort et enterré, est désormais une charogne. Mais, même si la faucheuse a fait son œuvre, ses restes peuvent encore servir. Sa petite amie Betty le sait bien. Elle décide de déterrer son cadavre pour le ramener à la maison. Mais ô surprise, elle découvre que d’autres ont eu la même inspiration…

En effet, Monika a devancé Betty. Et elle a de la suite dans les idées… À peine le paquet nauséabond déballé, la jeune femme passe aux choses sérieuses.

Alors, heureuse ? semble questionner le cadavre de Robert…

Monika ne peut pas se plaindre. D’ailleurs sa relation sexuelle s’est avérée bien plus enthousiasmante qu’avec son petit ami doubleur de films pornographiques. Mortellement ennuyeux au lit, Mark est tout aussi conventionnel que les œuvres auxquelles il prête ses râles. Dans le même temps, le cadavre préféré de Monika souffre d’un problème fonctionnel insoluble. Mark peut-il aider ? C’est alors qu’une lumineuse idée s’impose dans l’esprit de Monika.

Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus

Mark est pétri de clichés sexuels convenus, à l’image des films pornographiques qu’il double et qui véhiculent une sexualité tout aussi banale, éloge d’un va-et-vient trivial. Ceux-ci n’émoussent que très moyennement Monika dont les désirs secrets sont bien plus sophistiqués.

Plus intelligente, plus ouverte d’esprit, Monika reçoit toute notre sympathie, malgré ses déviances. Cette contradiction est due à Jörg Buttgereit qui s’applique à nous faire éprouver, non pas ses désirs nécrophiles mais les conflits intérieurs auxquels est confrontée la jeune femme. Elle aime bien Mark mais le garçon ne pourra jamais lui délivrer ce qu’elle attend dans le domaine charnel.

Ainsi, alors que le premier Nekromantik s’attachait à décrire un point de vue masculin à travers celui de Robert, Nekromantik 2 s’attache cette fois-ci aux émois féminins.

La jeune femme trouve un compromis assez radical pour enfin atteindre l’orgasme tant attendu dans une séquence qui restera dans les mémoires. Encore une fois, c’est au talent de Jörg Buttgereit que revient le mérite de ne pas faire sombrer cette vision extrême dans le pastiche.

Deux films sinon rien

Le cinéaste allemand délivre avec Nekromantik 2 une œuvre qui complète intelligemment le premier opus. Les deux films sont différents, dans la forme comme dans le fond, mais les bases communes permettent de trouver une véritable continuité entre les deux métrages.

Parmi les éléments communs aux deux films, l’autodérision est omniprésente. Ainsi, Nekromantik 2 se moque de son statut de film d’auteur en parodiant My Dinner with Andre de Louis Malle lors d’une scène où Jörg Buttgereit, jouant un spectateur dans une salle de cinéma, regarde avec une intense concentration une scène de dialogues absurdes entre deux protagonistes nus qui parlent de différentes espèces d’oiseau tout en mangeant des œufs…

Dans le même temps, Jörg Buttgereit réitère des visions excessivement gore, et d’autres dérangeantes, de nécrophilie avec un cadavre au moins aussi réaliste que celui de Nekromantik premier du nom.

Et, à nouveau, Jörg Buttgereit parvient à tirer le maximum des deux acteurs amateurs qu’il dirige en les laissant s’exprimer physiquement plutôt que par la parole, tout en soulignant leurs émotions grâce à la jolie musique de Daktari Lorenz. Des éléments qui, associés, permettent à Nekromantik 2 de s’élever au-delà d’une simple expérience cinématographique, aussi intense soit-elle.

Fiche du Blu-ray : Sin’Art

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Nekromantik 2: Die Rückkehr der Liebenden Toten – Allemagne – 1991 ; réalisation : Jörg Buttgereit ; interprètes : Lena Braun, Jörg Buttgereit, Carola Ewers, Astrid Ewerts, Florian Koerner von Gustorf, Kaethe Kruse, Eva-Maria Kurz, Monika M.

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