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En cette belle année 1969, l’année érotique par excellence, Pudelnackt in Oberbayern démontre de manière éclatante que tout le monde ne sait pas encore quoi faire de cette drôle de révolution sexuelle. Quelle étrange idée aussi d’avoir voulu confier la réalisation d’un film célébrant les conquêtes des luttes de mai 68 à un vieux monsieur comme Hans Albin. Rappelons que le bonhomme a commencé sa carrière en collaborant avec Heinz Rühmann… dans les années 30 ! Durant les décennies suivantes, Hans Albin se montrera d’ailleurs très à l’aise dans les comédies bavaroises à l’humour déjà périmé au moment de mettre en chantier Pudelnackt in Oberbayern…
Irene accepte son nouvel emploi de serveuse dans l’Auberge de la Poste qui se trouve au centre d’un village de Bavière. Sa mission est d’animer le bistro, mais aussi le village enlisé dans un certain conservatisme. Pour les hommes, jeunes et moins jeunes, ce vent de fraîcheur n’est pas fait pour leur déplaire. Ainsi, chaque soir, tous prennent désormais l’habitude de venir boire une pinte et profiter du rayon de soleil qu’offre la jeune fille. Un rituel qui n’est pas du goût des charmantes épouses de ces messieurs, au point qu’elles décident de s’opposer à ce vent de modernité qui souffle sur leur train-train quotidien…
À la fin des années 60, les livres d’Oswalt Kohle dédiés à des thématiques sexuelles bien précises se voient adaptés au cinéma et relancent un sous-genre en veille depuis la Première Guerre mondiale : le Aufklärungsfilm. Ces films proposaient une initiation des hommes et des femmes à la sexualité. La résurgence du genre rencontre un énorme succès en Allemagne dans les années 70. En France, la série la plus connue reste celle des Schulmädchen-Report débutée en 1970 avec Rapports intimes au collège de jeunes filles. Rendons cependant à César ce qui appartient à César en précisant que la machine se met réellement en branle avec Helga, de la vie intime d’une jeune femme (1967), premier titre de la série des Helga, mais aussi, bien sûr, Le miracle de l’amour (1968) adaptant les travaux d’Oswalt Kohle.
Reste que ces films n’ont rien de très subversif et s’avèrent même plutôt pudiques, voire pudibonds. Au moins livrent-ils leur lot de chair fraîche pour pas cher. Dans ce domaine, en revanche, Pudelnackt in Oberbayern ne fera rougir personne. Le film ressemble même à une arnaque. Alors que la traduction littérale, « Nue comme un ver dans la Haute-Bavière », suggère des escapades nudistes dans les verts pâturages des Alpes, le climax se déroule, en fin de compte, dans un sauna dont la poignée de clients, au mieux topless, se décline plus souvent au masculin qu’au féminin.
De toute façon, il ne suffit pas de dévoiler un ou deux tétons pour se montrer moderne et transgressif. La révolution sexuelle, c’est d’abord un processus menant à une affirmation de soi. Rien à voir avec les attentes grivoises de vieux messieurs bavarois comme le suggère le film. Dès lors, Puddelnackt in Oberbayern s’avère même franchement rétrograde en livrant de jeunes et frivoles jeunes femmes à de vieux pervers sirotant leur cervoise.
Toutefois, sur ce point, la morale est sauve. En vrai, il ne se passe pas grand-chose et les échanges de fluides intimes se montrent même inexistants. Hans Albin préfère filmer des scènes de Schuhplattler, danse folklorique principalement pratiquée en Haute-Bavière et en Autriche. Or, il n’y a rien à voir sous la jupe des danseuses et l’on comprend alors que l’érotisme n’est pas l’objectif principal du film, mais bien plus la Bavière.
Les Bavarois forment effectivement le public exclusivement ciblé par la production. C’est d’autant plus vrai que les protagonistes ergotent avec un effroyable accent, typique du sud de l’Allemagne. Au point que leurs congénères, dont l’allemand est tout de même la langue maternelle, avouent eux-mêmes piger dégun à leur diatribe.
Le préjudice reste raisonnable. En effet, lorsqu’on arrive à comprendre un dialogue, force est de constater qu’on ne perd pas grand-chose tant les traits d’humour n’ont rien à voir avec ceux, coquins et malicieux, dont saupoudrait ses films un Hans Bilian, par exemple. Voici un petit aperçu de ce à quoi on est confronté dans Pudelnackt in Oberbayern :
- Tu me prends pour un parfait idiot ?
- Mais non, personne n’est parfait !
C’est sur ce ton que le film délivre son contenu, principalement des séquences s’appuyant sur des personnages mortellement banals. Les mésaventures des habitants du village servent majoritairement à remplir la pellicule. Les déconvenues manquent terriblement d’originalité comme lorsque papy découvre sa petite fille avec son prétendant dans la chambre…
La demoiselle est incarnée par Christine Schuberth, seul véritable atout du film en apportant un peu d’espièglerie à l’ensemble. L’actrice fera ensuite carrière dans des comédies légères en endossant, par exemple, le personnage de Josefine Mutzenbacher dans L’Entrejambe (1970) avant d’entamer en fin de carrière un tournant plus respectable une fois harponnée par la télévision.
Le grand-père, quant à lui, se voit incarné par Beppo Brem. La présence du monsieur ne présageait franchement rien de très folichon… En effet, l’acteur le plus prestigieux du casting, et dont la carrière débute en 1932, figurera dans la Gottbegnadeten-Liste, répertoire établi par le 3e Reich pour protéger les artistes validés par Goebbels et leur permettre de contribuer à l’effort de guerre dans des films et des émissions de propagande. Être considéré par Joseph Goebbels comme « bénéficiant de la grâce de Dieu » et se retrouver dans Pudelnackt in Oberbayern à jouer le grand-père coincé d’une petite fille nymphomane… Bon sang, quand on nous dit que les voies du Seigneur sont impénétrables, c’est pas des histoires !
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Le Troisième Sexe : Luxure, débauche, homosexualité et proxénétisme dans l’Allemagne de la fin des années 50
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
je vous propose de découvrir différentes facettes méconnues
du cinéma allemand sur ThrillerAllee. D'autres blogs où je suis actif :
L'Écran Méchant Loup pour les loups-garous au cinéma
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