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Après avoir volé la monnaie qui traînait sur le comptoir d’un café, Willi se fait détrousser à son tour par une bande de gamins qu’il insulte copieusement en retour… C’est ainsi que nous faisons connaissance avec le héros de Supermarché, un garçon de 17 ans qui s’est barré de chez sa mère et qui découvre l’Allemagne capitaliste post-NSDAP…
Ici un rappel du contexte historique s’avère peut-être nécessaire…
Pour les gamins de l’époque, l’Allemagne des années 70, c’est un pays qui a perdu la guerre et dont l’administration est encore truffée de vermine nazie. Comme si cela ne suffit pas, il faut en plus grandir dans un monde capitaliste. Aujourd’hui, résigné, on pense que cela va de soit, mais après mai 68, certains rêvent d’alternatives à un monde qui prône le chacun pour soi.
Parmi ces idéalistes : Charly Wierczejewski. Celui qui sera plus tard Willi, l’acteur héros de Supermarché, est né dans une famille issue de la classe ouvrière et surchargée d’enfants, 15 pour être précis. Le garçon a grandi dans une maison de correction puis, à l’adolescence, s’est retrouvé dans un foyer à Bremerhaven, tout au nord de l’Allemagne. La vie de Charly prit un tournant décisif lorsqu’en 1969 débuta ce que l’on appellera la « campagne des foyers ». Ce mouvement étudiant attira l’attention du public sur la discipline brutale qui sévissait dans ces maisons où étaient entassés les jeunes désœuvrés.
Pour venir en aide à leurs compagnons d’infortune, les étudiants s’amusèrent à extraire les gamins des établissements délétères et les accueillirent dans leurs propres communautés. Là, ils servirent l’agitation politique du moment. Après l’expérience des foyers où la violence et les abus étaient monnaie courante, Charly, pour sa part, rêvait plutôt d’une vie de bohème… Ce qui ne l’empêchera pas de devenir un temps le garde du corps de Rudi Dutschke, futur cofondateur des Verts allemands.
Quoi qu’il en soit, en 1972, Charly Wierczejewski fait la connaissance de Roland Klick, réalisateur de Supermarché. Klick est alors actif au sein du groupe communiste Südfront à Münich. Avec un budget de 300 000 DM, il vient de réaliser Bübchen (1968) pour critiquer les milieux bourgeois, mais surtout Deadlock (1970), loué par Alejandro Jodorowsky lui-même. Le film avec Mario Adorf est une sorte de western italien avec un désert blanc comme la chaux et un vieux camion transformé en objet de mort.
Avec Supermarkt, Roland Klick porte, en 1973, un regard sans concession sur un pays capitaliste toujours sous influence de la génération précédente coupable d’avoir participé au 3e Reich. Le métrage prend alors l’allure d’un film d’art et essai pour dépeindre la ville de manière brute, sans chercher à l’embellir, mais aussi le rythme d’un film d’action, car Willi bondit d’un pub à un autre à la manière de Franka Potente dans Court, Lola, court.
Toutefois, c’est l’aspect documentaire qui l’emporte, permettant un rendu résolument déprimant, illustrant les sombres perspectives s’offrant à une jeunesse désillusionnée, piégée entre la station de métro du Bahnhoff Zoo de Berlin et la Reeperbahn de Hambourg, où le film choisit d’ailleurs de s’installer pour se mettre au diapason de cette société dépressive. Avec ses gares où les hommes se prostituent et ses immeubles désaffectés au bord de la mégalopole, l’Allemagne prend alors franchement l’allure d’un pays du tiers monde…

Dans ce cadre peu ragoûtant, Willi ne sait pas trop où il va et passe la majeure partie du film à fuir ses origines, la police et la justice. Mais aussi ses responsabilités, comme lorsqu’il choisit de se tourner vers son copain truand pour essayer de braquer un supermarché et gagner facilement l’argent dont il n’a en fin de compte pas besoin, plutôt que de venir en aide à une jeune prostituée élevant seule son enfant.
Une attitude peu glorieuse qui démontre alors que Roland Klick cherche plus à prendre du recul que de provoquer la sympathie du spectateur pour son jeune héros. C’est pourquoi les rencontres de Willi s’avèrent bien plus évocatrices des intentions du réalisateur : un journaliste qui cherche en lui un moyen de soulager sa mauvaise conscience de nanti, un homosexuel qui tente de mettre le gamin bien plus jeune que lui dans son lit, un truand raté et lâche qui, pour avoir le courage de passer à l’action, se sert de Willi…
Au final, Supermarché est un film qui n’a pas pris une ride grâce à sa mise en scène nerveuse sans rapport avec la narration plan-plan du cinéma mainstream. Jamais ennuyeux ou pompeux, Supermarché s’avère même passionnant de bout en bout, parce que Roland Klick filme sans chercher à développer une histoire, en livrant les faits tels qu’ils sont.
Informations complémentaires :
Si Supermarché passe comme une lettre à La poste, c’est évidemment aussi grâce à l’interprétation excellente. Parmi les comédiens, on trouve Eva Mates, incarnant ici une prostituée élevant un enfant représentant le rayon de soleil de Willi. Cinq années plus tard, elle sera aux côtés de Klaus Kinksi dans le Woyzeck de Werner Herzog.
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