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Benni dynamite le système

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Il ne semble pas exister de mots français correspondant au titre original allemand Systemsprenger que l’on pourrait traduire par dynamiteur de système. Le terme n’existe pas officiellement dans le dictionnaire de l’aide sociale, mais c’est un mot issu du quotidien des professionnels. Selon eux, le système, tel qu’il est pensé, est bénéfique pour la plupart des enfants… La Benni héroïne du film Systemsprenger fait simplement partie des quelques cas isolés qui devront malheureusement rester au bord du chemin.

Bernadette a neuf ans, elle n’aime pas son prénom, c’est pourquoi tout le monde l’appelle Benni. Sa situation n’est pas facile car Benni est plutôt du genre… instable… Dès le début du film, on la voit dans ses œuvres. La seule réponse que proposent les adultes face à ses excès de violence est de la laisser tout simplement exprimer sa rage et d’attendre qu’elle se calme d’elle-même… De toute façon, lorsque Benni a décidé de balancer les bobsleighs contre les vitres de la cantine, il n’y a rien à faire pour l’arrêter. En raison de son agressivité imprévisible et incontrôlable, les autorités compétentes n’arrivent pas à lui trouver de foyer. Ainsi, elle erre de familles d’accueil en institutions spécialisées… Jusqu’au jour où elle rencontre Micha… C’est lui qui emmène les enfants à l’école. Par le passé, il s’est déjà occupé de cas difficiles en leur proposant quelques semaines en pleine forêt. Parviendra-t-il à briser la spirale autodestructrice dans laquelle s’enfonce Benni ?

Benni dynamite le système

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Tous les synonymes du mot « incontrôlable » peuvent s’appliquer à Benni… Elle est hors de contrôle, car elle peut, pour aller chez sa mère, décider à tout moment de quitter sa famille d’accueil et faire du stop en pleine nuit. Elle est indomptable, car aucune menace ne peut l’assagir, y compris l’exile en Afrique dans une institution pour cas désespérés…

En somme, elle est ingérable et elle pose un problème au système qui ne peut la ranger dans aucune case. C’est évidemment aussi un problème pour elle.

Désespérante mais attachante

Cette impasse est superbement mise en scène par la réalisatrice. Benni en fait des bêtises, et des grosses. Elle connaît les règles mais rien n’y fait : quand elle se met en colère, tous les fusibles sautent et aucun adulte ne peut plus la retenir. Même du haut de ses trois pommes, sa violence met en danger son entourage et évidemment les enfants en premier lieu. Pourtant, on s’attache très rapidement à ce démon miniature, capable des plus belles actions comme lorsqu’elle s’occupe de ses frères et sœurs. Lourdement traumatisée enfant, elle n’est finalement que le résultat de graves dysfonctionnements éducatifs.

Benni dynamite le système
Benni dynamite le système

Hors de contrôle, ingouvernable…

La réussite la plus importante du film est sans doute l’absence absolue de jugement porté, dans un sens ou dans un autre, sur Benni. En filmant froidement les errements de l’enfant, le comportement se détache du personnage qui devient une gamine comme une autre. Cette prise de positions génère chez le spectateur des émotions contradictoires. C’est aussi de cette manière que le film parvient à concilier cinéma populaire et critique sociopolitique. Le résultat est brillant puisque le spectateur constate par lui-même, sans thèses pompeuses, que le système ne propose aucune solution pour une personne qui coche à la fois la case touchante et dangereuse… Le système ne peut tout simplement pas aider ceux qui le font exploser.

La tristesse de la situation est palpable grâce aux différents adultes qui tournent autour de Benni. Micha, l’éducateur particulièrement engagé est ainsi obligé de prendre de la distance lorsqu’il développe des fantasmes de sauvetage, interdits dans la profession. Ensuite, quand l’assistante sociale craque elle aussi, un sentiment de désespoir s’abat, désarroi qui hantera le spectateur bien après la fin du générique.

Benni dynamite le système

Un plaidoyer humaniste poignant pour les personnes non-conformes, supposées dysfonctionnelles

Issu d’une école de cinéma et soutenu par un organisme public, Benni est un film courageux. Le dernier quart d’heure est peut-être un peu de trop, laissant même craindre un final convenu en queue de poisson. Heureusement, la réalisatrice se reprend et livre une conclusion ouverte, bienvenue, en cohérence avec le reste du métrage d’ailleurs.

Bien sûr, l’interprétation de Helena Zengel est gigantesque. Elle est présente dans presque chaque scène et tient le film sur ses épaules qui ne sont résolument pas frêles. Pour réussir à faire éclore chez le spectateur des sentiments de compassion aussi intenses pour une individualité aussi difficile, il fallait une interprétation tout simplement phénoménale.

Désespéré mais drôle, effrayant et touchant, Benni raconte le drame à échelle humaine d’une personne désespérément en quête d’amour, de soutien et de confiance. Et l’échec des ministères et des institutions à répondre à cette aspiration.

Helena Zengel

Helena Zengel, Benni, débute sa carrière à l’âge de cinq ans au théâtre. Après quelques petites apparitions, elle décroche son premier rôle principal à huit ans dans le film dramatique Die Tochter (2017). Après Benni pour lequel elle remporte plusieurs prix en 2019, elle se retrouve aux côtés de Tom Hanks dans La Mission (2020).

En janvier 2022, elle figure dans le clip de la chanson Ich hasse es hier du groupe Tocotronic :

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Nora Fingscheidt

Nora Fingscheidt réalise en 2017 le documentaire Ohne diese Welt sur des descendants allemands ayant émigré il y a 500 ans en Argentine et vivant dans une communauté religieuse rejetant la modernité. Grâce à Benni, elle se fait remarquer dans plusieurs festivals avant de remporter huit prix lors de la cérémonie des Césars version allemande, dont ceux du meilleur long métrage, réalisateur et scénario. Le succès de Benni a permis à la réalisatrice de travailler à l’international. Ainsi, pour Netflix, elle tourne Impardonnable avec Sandra Bullock.

Systemsprenger
Allemagne – 2019
Réalisation : Nora Fingscheidt
Interprètes : Helena Zengel, Albrecht Schuch, Gabriela Maria Schmeide, Lisa Hagmeister, Melanie Straub, Victoria Trauttmansdorff, Maryam Zaree…

Bande annonce en allemand sous-titré français :


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Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
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