
Durant la production du film Le Dr Mabuse au début des années 20, terreur et déstabilisation rythment le quotidien de la République de Weimar. Les opposants politiques s’affrontent dans la rue et les gens meurent de faim tandis que des milliards sont gaspillés à la bourse ainsi que dans les casinos. Pendant ce temps, l’État prospère sans se soucier du sort de ses concitoyens…
Une situation que le procureur Wenk, héros du classique de Fritz Lang, met en évidence en dévoilant les agissements d’un certain Mabuse. En effet, maître en illusions, le criminel manipule les cours de la bourse pour s’enrichir, mène ses adversaires à leur perte en les incitant à jouer leur fortune aux cartes, tout en se donnant en spectacle pendant la journée.
Ainsi, Mabuse est une allégorie de ces politiciens qui se présentent comme des personnes de confiance, assurant avoir compris nos problèmes, mais qui, en fin de compte, ne font que semer le trouble, truquant les règles du jeu pour provoquer des crises financières dont eux seuls tirent finalement profit.
En jouant de la sorte avec le destin de la population, Mabuse n’épargne aucune classe sociale. Se présentant comme un ami auprès du richissime Hull, Mabuse va l’inciter à jouer et à perdre sa fortune au jeu, alors qu’il a pourtant les meilleures cartes en main. De la même manière, Mabuse s’érige en bienfaiteur des opprimés qu’il côtoie dans la rue alors qu’il lance des rumeurs qui font s’effondrer les cours de la bourse, provoquant la banqueroute des épargnants, la faillite des entreprises et la mise au chômage de leurs employés.
Fourbe, Mabuse reste dans l’ombre et utilise des sous-fifres qui, même floués, n’hésiteront pas à se donner la mort pour protéger leur maître. Lorsque le scélérat intervient, il se présente masqué, sous une apparence conviviale. Avec sarcasme, le criminel se fait même passer pour un illusionniste afin de divertir les foules et détourner l’attention.
Avec ce personnage détestable, Fritz Lang pose aussi les bases des films qui mettront dorénavant en scène de dangereux criminels. Toutefois, les intentions de Mabuse dans le roman de Norbert Jacques sont plus louables puisque le personnage souhaite créer un monde nouveau en Amérique du Sud, libéré de la corruption sévissant en Europe. Fritz Lang, à la place, dresse en revanche le portrait d’un personnage détestable exploitant une époque trouble.
Sur le plan esthétique, Le Dr Mabuse s’avère tout aussi moderne et grandiose. Ainsi, malgré un tournage en studios, la ville est monumentale, étouffante et l’emploi de l’expressionnisme permet d’accentuer son aspect inquiétant. Par ailleurs, Fritz Lang et son épouse, Thea von Harbou, ont adapté le roman de Norbert Jacques publié dans le Berliner Zeitung sous forme d’épisodes, ce qui explique le découpage du film en actes. Ainsi, les six actes qui composent chacune des deux parties confèrent au film l’allure de ces serials qui foisonnaient à l’époque aux USA et qui étaient également composés de 12 épisodes. L’impression s’avère d’ailleurs largement renforcée par les nombreux personnages que compte l’histoire.
Malgré ses qualités évidentes, autant sur le fond que sur la forme, il est peu probable, malheureusement, qu’un film comme Le Dr. Mabuse, en noir et blanc, d’une durée de 4 heures et 30 minutes, muet de surcroît, puisse attirer l’attention dans une époque biberonnée au divertissement facile. Ainsi, le message délivré, qui mériterait bien de se faire entendre à un moment également trouble, risque probablement de connaître le même destin réservé à la tombe de l’acteur qui jouait le Dr Mabuse… Abandonné en 1990, le lieu de repos de Rudolf Klein-Rogge s’est vu déblayé et aplani pour être réaffecté.
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M le Maudit, l’un des films les plus importants du cinéma allemand