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Berlin Boys (2023) – L’espoir est là, mais les murs de la cité sont épais


Allemagne - 2023 - David Wnendt
Titres alternatifs : Sonne und Beton, Sun and Concrete
Interprètes : Levy Rico Arcos, Vincent Wiemer, Rafael Luis Klein-Hessling, Aaron Maldonado Morales, Jörg Hartmann, Wael Alkhatib, Franziska Wulf, Nicole Johannhanwahr...

Malgré sa bande de potes adolescents au centre de son récit, Berlin Boys n’a pas grand-chose à voir avec le Stand by Me (1986) de Rob Reiner. En effet, le dernier film de David Wnendt évoque moins le passage à l’âge adulte que la description d’une Allemagne bien différente de celle des bobos de Sophia, Death and Me (2023), des citadins de Je suis ton homme (2021) ou même des braqueurs bien éduqués de Terre brûlée (2024)…

L’année : 2003. Le lieu : le quartier Gropiusstadt à Berlin. Lukas souhaite aller en cours, mais il a oublié sa carte de lycéen. Impossible de passer les deux costauds qui filtrent les entrées. Le voilà obligé de faire l’école buissonnière avec ses amis Julius, Sanchez et Gino. Pour autant, la chaude journée d’été qui s’annonce ne va pas se dérouler aussi paisiblement que prévu. D’autant plus que, pris à partie dans une rixe entre gangs rivaux, Lukas doit désormais rembourser 500 euros qu’il ne possède évidemment pas. L’école qui lui a tourné le dos vient toutefois de recevoir une livraison d’ordinateurs flambants neufs… Une chance à saisir ?

Berlin Boys (2023) – L’espoir est là, mais les murs de la cité sont épais
Berlin Boys (2023) – L’espoir est là, mais les murs de la cité sont épais

Berlin Boys est l’adaptation du roman de Felix Lobrecht dans lequel l’auteur raconte son enfance dans l’un des quartiers les plus chauds du pays de Goethe, le Berlin-Gropiusstadt, celui-là même où a également grandi Christiane Felscherinow, l’héroïne de Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée (1981)…

Moins sordide, Berlin Boys offre plutôt une plongée vertigineuse dans la vie de la cité grâce à de jeunes acteurs qui exposent leur cadre de vie avec sincérité et véracité. Rien d’étonnant de la part d’un réalisateur qui interrogeait des Allemands dans la rue pour savoir ce qu’ils pensaient de cet énergumène qui se faisait passer pour Adolf Hitler dans Il est de retour (2015), ou qui filmait l’intimité féminine sans pudibonderie dans Zones humides (2013).

Même s’ils sèchent parfois les cours, la plupart de leur temps, les gamins le passent à l’école, lieu où règne une équité totale. En effet, l’absence de réussite est la même pour tout le monde. Les salles sont bombées, les professeurs dépassés, les possibilités offertes par le système risibles. Le grand événement, c’est évidemment l’arrivée de ces ordinateurs ultra-modernes qui ne sont, en réalité, d’aucune utilité pédagogique. En effet, les gamins ont, de toute façon, moins l’occasion de taper sur un clavier que sur la gueule du voisin qui habite dans le bloc en face.

Berlin Boys (2023) – L’espoir est là, mais les murs de la cité sont épais
Berlin Boys (2023) – L’espoir est là, mais les murs de la cité sont épais

L’agressivité s’avère effectivement l’une des caractéristiques principales de la vie de la cité. Si la violence est quotidienne, c’est aussi parce que les différents groupes ethniques se font régulièrement la guerre. Accessoirement, David Wnendt profite de cet élément pour se moquer des convenances en matière d’intolérance au racisme dont se targuent les cercles privilégiés. En effet, ici, au Gropiusstadt, la xénophobie est présente à tous les échelons, elle sert même de dynamique à la vie du quartier. Rassurez-vous, l’homophobie n’est pas oubliée non plus. Mais, en réalité, c’est dans le domaine du langage que la violence s’impose avant toute chose, et les phrases se terminent toujours par une injonction ou une menace.

Ainsi, parents et ados se prennent le chou à l’occasion de tête-à-tête qui adoptent l’allure d’altercations verbales dans un allemand multiethnique, mais surtout familier et grossier. Un argot que s’approprient les jeunes des grandes citées et qui imprègne leur langue, ainsi que leur mode de vie. Le dialogue est alors impossible avec la génération précédente incarnée par le père de Lukas, invitant son fils à ne pas répondre à la violence, écoutant des chansons des années 70 dans le genre de celles de Joan Baez, surnommée « la madone des pauvres gens » en raison de ses revendications sociales et pacifistes. Mais cette génération baba cool n’a plus d’emprise sur la suivante qui rêve pourtant, elle aussi, d’amour, mais sans savoir ce que c’est, fantasmant sur des filles gracieuses, certes, mais aux valeurs douteuses. Les apparences sont trompeuses, à l’image de ce final à double lecture.

Pour autant, Berlin Boys n’a rien d’un film pessimiste. La Haine (1995) affichait son noir et blanc en guise d’étendard, Berlin Boys est, pour sa part, plein de couleurs. L’été resplendit, même dans la cité. Par ailleurs, si le film décrit une situation ankylosée, les gamins, de leur côté, sont constamment en mouvement. Berlin Boys ne propose pas de grands discours, de grandes scènes d’action, ou d’effets spéciaux exceptionnels. Juste quatre gamins qui ne sont pas des enfants de choeur, mais qui font les 400 coups et pour lesquels on vibre à chaque instant, craignant le pire. Comme dans ses précédents films, David Wnendt parvient ainsi à s’extirper des considérations sociales pour se focaliser sur ses personnages. Le résultat est un grand huit émotionnel jusqu’à son final explosif. Du grand cinéma émotion avec un E majuscule.


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Bande-annonce :

Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
je vous propose de découvrir différentes facettes méconnues
du cinéma allemand sur ThrillerAllee. D'autres blogs où je suis actif :
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