Der Samuraï de Till Kleinert sur le thème du coming out
Le film Der Samuraï de Till Kleinert se déroule près de la frontière polonaise, dans un village allemand, hostile et étroit, dominé par des rituels de virilité archaïques. Jakob, personnage introverti, doute et souffre en silence de sa différence. Il mène une existence terne, s’occupe seul de sa grand-mère sénile depuis que ses parents sont décédés et subit les moqueries des jeunes de son âge.
Jakob dissimule la vérité aux autres, à lui-même. Il tente même de « rentrer dans le système » en devenant gendarme. Mais, ce que l’on refoule continue de nous ronger et de nous faire souffrir, même dans l’inconscient : Till Kleinert, le réalisateur, en donne une forme concrète dans Der Samouraï.
Un jour, Jakob suit dans la forêt la piste d’un loup qui se montre parfois aux villageois. Il essaye de le piéger avec des sacs remplis de viande. Mais, la nuit venue, au bout de la piste il découvre un jeune homme, androgyne, aux cheveux longs et sauvages, tenant à la main un sabre japonais et vêtu d’une simple et longue robe blanche. L’inconnu l’invite à semer le trouble dans le village, ce que Jakob refuse. Cependant, tout en s’interposant et essayant d’arrêter ses agissements, Jakob se sent de plus en plus de points communs avec l’étranger.
Tel le grand méchant loup qui accoste le petit chaperon rouge dans La Compagnie des Loups de Neil Jordan, le samouraï possède deux facettes. De prime abord terrifiant à cause de son sabre, il devient ensuite attirant par sa féminité, sa maîtrise de soi et sa liberté.
Till Kleinert laissera planer le doute sur le mystère entourant le samouraï : est-il réel ou non ? Ce qui est certain en revanche, c’est que ce n’est pas le loup qu’il convient de craindre. Il faut se méfier des jardins bien tondus avec leurs nains et animaux en plastique, et assumer sa marginalité, ne pas avoir peur du ridicule.
La seconde partie du film se transforme en trip hallucinant ! Le spectateur pourra y voir soit une autodestruction, soit une délivrance.
Der Samuraï de Till Kleinert n’a rien d’un film pompeusement « auteurisant ». Il emprunte même de nombreux éléments au cinéma de genre, tels la bande de bikers, le village isolé, le gore même avec des effets spéciaux majoritairement fabriqués à la main… À l’instar du cinéma asiatique des années 90, il bouscule également les clichés (un samouraï en robe blanche !) et c’est ce qui le rend unique et l’éloigne radicalement des copies de films américains que furent par exemple d’autres films allemands comme Hell (2011) ou Nous sommes la nuit (2010).
Allemagne – 2014
Réalisation : Till Kleinert
Interprètes : : Michel Diercks, Pit Bukowski, Uwe Preuss, Ulrike Hanke-Haensch
Bande annonce en VOSTF :