Ulli Lommel, Marian Dora... Deux enfants terribles du cinéma allemand en invités de marque du numéro 37 de Sueurs Froides. Le premier pour une biographie. Le second à l'occasion d'une interview. Également au sommaire : Val Lewton, Nancy Drew,Flower and Snake, Leprechaun, entretien avec Patrice Herr Sang.
Cliquez sur la bannière pour commander en ligne sur sinart.fr


Ou continuez votre lecture avec notre critique de...

Horreur

Golden Glove : La gentrification ne ravale pas toutes les façades

Golden Glove a reçu des critiques négatives après sa première au 69e Festival international du film de Berlin, ce qui n’est pas une surprise… il n’est en effet pas toujours facile d’accepter ce que reflète le miroir que l’on nous tend.

Le film de Fatih Akin est cru, à l’image de la vie que l’on menait dans les années 70 dans le quartier Sankt Pauli… Ce n’est pas pour rien qu’il est traversé par la Reeperbahn, la grande avenue des plaisirs de Hambourg. Aujourd’hui, c’est un quartier branché, mais à l’époque où se déroule The Golden Glove, il attire les laissés-pour-compte d’une Allemagne coupée en deux mais en reconstruction, une génération seulement après la guerre.

Fritz Honka et Der Goldene Handschuh

Golden Glove : La gentrification ne ravale pas toutes les façades

Fritz Honka est un homme simple qui, pour subir la vie et plus particulièrement sa misère amoureuse, a littéralement sombré dans l’alcool. Pour Honka, aimer, c’est baiser et l’amour, c’est la violence. Il applique sa doctrine au point qu’il cache ce qui reste de ses passades amoureuses derrière le mur de sa chambre. Là, elles se décomposent lentement, imprégnant l’immeuble d’une odeur nauséabonde sans que personne n’imagine la source de la nuisance. Ses victimes, ce sont toutes des prostituées occasionnelles ou des femmes sans domicile fixe. En fin de compte, des âmes aussi perdues que Honka qu’il a rencontrées dans le bar qu’il visite quotidiennement : Der Goldene Handschue.

Der Goldene Handschue est un célèbre bistrot du quartier Sankt Pauli. Il est réputé pour être un lieu de perdition où l’on rencontre les gens les plus glauques de Hambourg. Du coup, le film nous offre une belle brochette de gueules-cassées … Parmi eux, Soldat-Norbert, ancien officier SS qui regrette sa mise à la retraite forcée, Doornkaat-Max porte le nom d’une marque de schnaps devenue sa seule et unique boisson, Günther le Tampon, qui a appris à se satisfaire d’étranges délicatesses…

Du livre au film

Golden Glove : La gentrification ne ravale pas toutes les façades

Le roman de Heinz Strunk nous met littéralement dans la tête du tueur en série Fritz Honka. Nous découvrons ses rêves et ses aspirations, nous nous identifions à une âme brisée qui tente en vain de trouver l’amour. Le livre réussit à faire en sorte que le lecteur s’identifie au personnage principal tout en étant révolté par les monstruosités qu’il commet.

Ce n’est pas le parti pris de Fatih Akin qui nous met dès le départ dans le quotidien de Fritz Honka. Au Goldene Handschue, il offre des verres de schnaps à des femmes dans le seul but de les ramener chez lui pour combler le vide de sa détresse amoureuse. Comme un accident a fait de lui une gueule cassée, sa confiance en lui a disparu et il ne s’intéresse qu’à des femmes vieilles ou laides qui, la plupart du temps, le rejettent. Lorsqu’il parvient malgré tout à « lever » une femme, la confusion qu’il entretient entre amour et sexe ne génère chez lui que frustrations. Des frustrations qu’il exprime dans des moments de violence qui se soldent par des meurtres brutaux.

Golden Glove : La gentrification ne ravale pas toutes les façades

Les mises à mort sont hors cadre la plupart du temps, mais la réelle violence n’est pas là. Fatih Akin met l’accent sur ces victimes de la guerre qui n’arrivent pas à se remettre sur pied, les orphelins des camps de concentration, ou les prostituées des ports de l’après-guerre. Contrairement aux critiques portées généralement au film, il parvient malgré l’enlaidissement de leur vie à les rendre attachants. Au final, le film parvient au même résultat que le livre.

Extrait du roman Der Goldene Handschuh de Heinz Strunk :

« Il n’a rien trouvé de mieux pour le moment. Helga les fixe en silence. Il tire tellement fort sur son chemisier que les boutons finissent par éclater ; le soutien-gorge se déchire en même temps. Ses seins sont de grandes galettes de bouses chaudes qui s’étalent de chaque côté. C’est donc à ça qu’ils ressemblent. Il n’a eu de cesse d’imaginer à quoi ils pouvaient ressembler déballés. Avec excitation, il les presse et les aplatis. Helga pousse de brefs cris de peur et de douleur, puis elle frappe. Elle frappe Fiete jusqu’à ce qu’il la lâche. Puis elle s’éloigne et s’enfuit. Fiete est trop ivre pour se lancer à sa poursuite”.

Golden Glove : La gentrification ne ravale pas toutes les façades

Der Goldene Handschue n’est pas un film d’horreur gratuit, bassement glauque. C’est un film qui met en évidence les dégâts collatéraux de notre mode de vie égoïste. Les appartements du quartier Sankt Pauli abritent peut-être désormais des employés bon chic bon genre qui apportent de la respectabilité à Hambourg, mais finalement rien n’a changé depuis les années 70, la gentrification ne fait pas disparaître la pauvreté, le racisme, la solitude, ni même la frustration sexuelle. Tout le monde ne parvient pas à prendre place dans le mode de vie occidental. Qu’ils aient été élevés dans des foyers comme Honka ou qu’ils aient subi d’autres accidents de la vie, ces personnes, déclassées par une estime de soi extrêmement faible sont des laissés-pour-compte qui, à l’occasion du film de Fatih Akin, se rappellent à la classe moyenne allemande.

Der Goldene Handschuh
France, Allemagne – 2019
Réalisation : Fatih Akin
Interprètes : Marc Hosemann, Adam Bousdoukos, Jonas Dassler, Tristan Göbel, Margarete Tiesel, Katja Studt, Hark Bohm, Philipp Baltus…

Site de l’éditeur pour acquérir DVD ou bluray en VOSTF :

Bande annonce en VOSTF :


Acheter chez Metaluna, c'est soutenir ThrillerAllee.


Cher lecteur, nous avons besoin de votre retour. Au choix :
=> Pour la visibilité, partagez l'article sur vos réseaux en cliquant sur les logos en dessous du titre du film.
=> Pour améliorer le référencement, laissez un commentaire en bas de l'article.
=> Pour rester en contact, abonnez-vous à la newsletter.
=> Pour soutenir financièrement notre éditeur Sin'Art, faites un don de 5, 10 ou 15 euros.

=>Vous pouvez aquérir aussi pour 8,80 € le n°37 de Sueurs Froides au format papier

Vous appréciez notre travail, c’est important pour nous motiver à continuer. Merci !



AVEZ-VOUS DÉJÀ TÉLÉCHARGÉ NOTRE E-BOOK
HISTOIRE DU CINÉMA ALLEMAND ?
Cliquez sur l'image pour télécharger gratuitement

Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
je vous propose de découvrir différentes facettes méconnues
du cinéma allemand sur ThrillerAllee.
D'autres blogs où je suis actif :
L'Écran Méchant Loup pour les loups-garous au cinéma
Sueurs Froides pour les films de genre et d'auteur subversifs.
Suivre la discussion
Notification pour
3 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Administrateur
1 année il y a

Je suis un peu surprise. J’avais lu un article sur un média indépendant belge qui le descendait complètement en disant que Golden Glove était “voyeur”, “glauque”, “amoral”… bref, une horreur à éviter absolument. Ce n’est pas du tout ce qu’on ressent à la lecture de cet article-ci. C’est étrange, non ? En tout cas, je ne sais pas trop quoi penser.

Répondre à  [email protected]
1 année il y a

Les critiques portant sur l’aspect outrancier du film sont nombreuses. À mon sens, ces excès sont justifiés et pas gratuits. Mais c’est vrai, il y a des scènes très dures dans le film, bien plus proche d’un Schramm que d’un M Le Maudit…

11 mois il y a

Sans aucun doute le film le plus malaisant de Fatih Akin, clairement à déconseiller aux âmes sensibles. Toutefois si des critiques le descendent (je ne les ai pas lues), c’est totalement inimaginable. Ce film, certes violent, a cette double entrée métaphorique qui nous fait passer de la violence physique à la violence sociale et psychologique. C’est vrai que c’est un film que j’aurai du mal à revoir mais qui est entré dans mon panthéon de films de psychopathes. Quant à cet à côté social et psychologique, il est d’une telle force que j’ai du mal à croire que des critiques bien informées aient pu passer à côté. Un film à voir au moins une fois !

Campagne de don pour Thrillerallee

Si vous le souhaitez, vous pouvez soutenir notre site dédié au cinéma allemand qui vibre en nous offrant quelques euros.
Ça nous ferait très plaisir :-)

3
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Share via
Copy link
Powered by Social Snap