Ulli Lommel, Marian Dora... Deux enfants terribles du cinéma allemand en invités de marque du numéro 37 de Sueurs Froides. Le premier pour une biographie. Le second à l'occasion d'une interview. Également au sommaire : Val Lewton, Nancy Drew,Flower and Snake, Leprechaun, entretien avec Patrice Herr Sang.
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DrameFilm d'auteur

Kokon (2020) – Devenir un beau papillon et quitter son bocal

Kokon est un film qui invite au dialogue et non pas à la polémique. Une réussite lorsque l’on sait que le petit chef-d’œuvre de Leonie Krippendorff s’attaque à un sujet très controversé comme la performativité du genre.

Kokon (2020) – Devenir un beau papillon et quitter son bocal

Bienvenue dans un monde genré

Homophobie, sexisme, discours anti avortement, machisme et domination masculine, soumission des adolescentes à la sexualisation des corps… Tel est le monde dans lequel vit Nora, 14 ans, dans la banlieue de Berlin.

Plus que des mots, des positionnements désagréables. Pourtant, ce sont les idées véhiculées par les proches de Nora, des personnes qu’elle côtoie tous les jours et qu’elle aime.

Respectueuse, Leonie Krippendorff ne se permet aucun jugement concernant les gens qui tournent autour de son héroïne. Ainsi, si jeunes et moins jeunes surprennent le spectateur en tenant des propos quasi réactionnaires, la réalisatrice étonne encore plus en refusant de se moquer d’eux ou de les dépeindre comme de dangereux arriérés… Contrairement à ce que ferait n’importe quel cinéaste binaire en somme.

Le sujet de Krippendorff n’est assurément pas la condamnation du monde de Nora. L’auteure entoure ses protagonistes de couleurs chatoyantes, chaleureuses, comme pour les protéger de tout danger. Lorsque Nora déclare ses préférences, elle ne devient pas la risée du quartier. D’ailleurs, aucun personnage, quelles que soient ses opinions, ne meurt ou subit de graves blessures. Kokon, ce n’est ni La Haine ni même Victoria et il n’y aura pas de suicide en masse comme dans The Virgine Suicides, laissant dire à certains qu’en fin de compte, le contexte même du film est triste… cette banlieue constituant en réalité une impasse.

Nora ne découvre pas la lutte des classes, l’autoritarisme de l’État ou le bouleversement climatique qui menacent notre civilisation. Des crises qui exigent des citoyens une prise de conscience collective pour éviter le pire… Non, notre héroïne issue de la génération Z dénude sa différence et réalise les conditions nécessaires à son bonheur… Des considérations plutôt narcissiques diront certains.

Envole-moi

Kokon (2020) – Devenir un beau papillon et quitter son bocal
Kokon (2020) – Devenir un beau papillon et quitter son bocal

La cinéaste décrit ainsi l’évolution de Nora. Ou plutôt sa métamorphose comme le symbolise cette chenille que la jeune fille élève dans un bocal tout au long du film… La créature au physique ingrat deviendra un beau papillon, certes. Mais réussir à sortir du bocal, c’est encore mieux pour se réaliser.

Nora va devoir suivre le même cheminement.

Son bocal à elle, ce n’est pas la tour dans laquelle elle vit, mais ce qu’on attend socialement d’une personne de son sexe : s’habiller comme une fille, se comporter comme telle, être un peu sotte, hétérosexuelle peut-être aussi.

Nora n’est rien de tout cela. Elle ne « performe pas dans le genre » qu’on lui a attribué. Une conclusion que semble vouloir suggérer la réalisatrice en mettant dans les mains de Nora un livre de l’auteure Judith Butler qu’elle trouve dans la bibliothèque familiale…

Selon la philosophe américaine, il existe un genre biologique (mâle, femelle) et un genre sociologique (homme, femme). Ce dernier comporte une liste de catégories dans lesquelles les individus tentent de « performer » du mieux qu’ils le peuvent afin de faire coïncider leur genre sociologique avec leur genre biologique. Ainsi, un vrai homme ne devrait pas pleurer, une vraie femme ne devrait pas se battre… La performance est intériorisée, elle est subie, c’est une contrainte sociale et culturelle qui prend pourtant l’apparence d’une attitude naturelle…

Bref, la théorie appliquée au film, c’est les garçons bruyants, excessifs, qui roulent des mécaniques, tandis que les filles s’habillent sexy, maternent, etc.

Des stéréotypes dans lesquels Nora ne s’illustre pas.

LGB

Kokon (2020) – Devenir un beau papillon et quitter son bocal
Kokon (2020) – Devenir un beau papillon et quitter son bocal

La trame scénaristique du film suit la découverte par Nora de son homosexualité. Mais, sous couvert d’éveil à la sexualité, la réalisatrice de Kokon propose plus largement une approche plus originale et singulière de la prise de conscience de sa propre personnalité.

Non seulement il est possible d’être différent, mais cette différence peut aussi être acceptée par son entourage. C’est la leçon du film : Nora concrétise sa métamorphose seule, sans activisme idéologique, sans récupération politique. Chaque protagoniste du film, de Nora en quête d’indépendance à son premier amour désinvolte, en passant par sa sœur conformiste, sa mère alcoolique démissionnaire et ses amis conservateurs, chacun donc se démarque par son ouverture d’esprit, sa capacité à comprendre et accepter l’autre, son absence de préjugés et de jugement préconçu, sa tolérance et sa capacité au dialogue.

La somme de ces éléments représente la clé de l’évolution épanouissante de Nora et sonne comme un vœu d’espoir formulé par Leonie Krippendorff afin que toutes et tous puissent connaître la même éclosion.

Cocoon – 2020 – Allemagne ; Réalisation : Leonie Krippendorff ; interprètes : Lena Urzendowsky, Jella Haase, Lena Klenke, Elina Vildanova, Franz Hagn, Anja Schneider, Kim Riedle

Site de l’éditeur

https://www.outplay.fr/

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Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
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