Laurin, un film d’horreur séduisant plutôt qu’effrayant
Fin des années 80… Alors que le cinéma d’horreur américain sème la terreur dans les cinémas en exploitant les mêmes ficelles que celles utilisées par les trains fantômes, Robert Sigl, un jeune réalisateur de 26 ans livre avec Laurin un film d’horreur séduisant, enchanteur.
En jouant sur notre fascination pour la mort et la séduction qu’elle exerce sur nous, le film s’inscrit ainsi dans la tradition d’un romantisme noir s’inspirant des peintures d’Antoine Wiertz et de Johann Heinrich Füssli, ou de la prose d’Edgar Allan Poe et de Robert E. Howard.
L’histoire est racontée à travers les yeux innocents et tristes de Laurin, dont la fragilité fait immédiatement naître chez le spectateur un sentiment de protection pour ce petit chaperon rouge. Nous faisons sa connaissance alors qu’elle vit avec sa grand-mère, sans ses parents, à l’orée du 20ème siècle dans un petit village portuaire. Arne, son père, marin, passe la plupart de son temps en mer. Quant à sa mère, elle est décédée à la suite d’un accident étrange. Le contexte familial, le vieux château en ruine, la disparition inexpliquée de plusieurs enfants du village, alimentent l’imagination de la jeune fille qui découvre le monde avec sa curiosité d’enfant. Et dans des visions inquiétantes, Laurin voit aussi une créature sombre s’attaquer aux villageois…
Le film a été tourné en Hongrie, dans des paysages à la fois crus et magnifiques. La brume, les cimetières sombres et inquiétants, tout comme les vieilles demeures, font craindre les dangers à venir. La bande-son, quant à elle, puise dans les bruits naturels (grondement de la mer, souffle du vent, craquement du bois, chant des oiseaux…) et éveille des sentiments peu rassurants, inquiétants… Ainsi, le film nous convie à un fantastique ancré dans des paysages mythiques, plein de mystères et de dangers dissimulés, comme dans des films de Walerian Borowczyk ou de Jean Rollin.
Cependant, et malgré les visions cauchemardesques de la petite Laurin, l’œuvre de Robert Sigl évolue rapidement ver le thriller en se focalisant sur la psychologie de ses personnages. Ainsi, en approfondissant les motivations de l’assassin et de Laurin, le film évoque inévitablement les gialli. L’impression est corroborée par les couleurs empruntant dans certaines séquences à l’esthétisme de Mario Bava.
Bien que son travail sur Laurin fût récompensé par le Bayerischer Filmpreis, Robert Sigl ne put continuer sa carrière au cinéma ; Laurin était trop étrange, trop déroutant pour que des producteurs prennent le risque de confier un projet à ce jeune réalisateur de 26 ans : Laurin tomba alors dans l’oubli et son auteur dû se tourner vers la télévision… En 1994, Robert Sigl réalise un téléfilm familial en trois parties pour les fêtes de Noël : Stella Stellaris. Cette comédie de science-fiction où une extra-terrestre sème le trouble dans une famille est remarquée outre-Atlantique. Au Canada, Robert Sigl signe alors quelques épisodes de la série Lexx – The Dark Zone ce qui lui permet de diriger Malcolm McDowell. De retour en Allemagne, il signe des slashers dans la lignée du succès de Scream : Schrei – denn ich werde dich töten! et sa suite Das Mädcheninternat – Deine Schreie wird niemand hören (2000).
source : critic.de
Laurin
Allemagne, Hongrie – 1989
Réalisation : Robert Sigl
Interprètes : Dóra Szinetár, Brigitte Karner, Károly Eperjes, Hédi Temessy, Barnabás Tóth
Bande annonce en allemand :