Mädchen mit Gewalt : un titre racoleur pour un film tout sauf superficiel
À première vue, ce huis clos à ciel ouvert s‘adonne au racolage avec sa scène de viol. Mais il ne faut pas se fier aux apparences car Mädchen mit Gewalt de Roger Fritz n’est certainement pas superficiel.
Mike et Verner sont deux machos tout ce qu’il y a de plus primitifs. Collègues et amis, ils sont cependant rivaux dans le seul domaine qui les intéresse : les filles jeunes et jolies. Dès lors, ils consacrent leur temps libre à attirer l’attention des Munichoises en mini-jupe afin de les emballer et de les consommer, comme de vulgaires objets. Les conséquences ne les intéressent guère. À peine ont-ils conclu une affaire qu’ils se mettent en quête d’une nouvelle : les opportunités sont nombreuses.
Ainsi, après avoir abandonné sur le bord de la route deux jeunes filles qui les barbaient, Mike et Verner rencontrent des étudiants sur un circuit de karting. La cohabitation entre les deux collègues de travail et les intellectuels ne se fait pas sans heurts et Alice intervient pour calmer tout le monde. Dès lors, Mike et Verner jettent leur dévolu sur la jolie et naïve Alice. Sympathique et décontractée, elle correspond parfaitement au genre de filles que les deux machos affectionnent.
Par ruse, ils parviennent à séparer Alice de ses amis et l’emmènent, en pleine nuit, dans une sablière afin de prendre un bain de minuit. S’attendant à ce que ses amis apparaissent d’un moment à l’autre, Alice n’entrevoit pas le danger. Elle se déshabille et se met à l’eau. Lorsqu’elle comprend que ses amis ne la retrouveront pas, il est trop tard. Et comme le titre du film l’indique, Mike et Verner n’hésiteront pas, s’il le faut, à prendre cette « fille par la violence ».
Parmi les scènes les plus marquantes du métrage, citons celle où, après le viol, Mike dresse à la jeune fille le portrait d’une société d’hommes, protégeant solidairement leurs intérêts. Cynique, il prévient Alice des conséquences si elle décide de porter plainte : Les gendarmes, masculins, voudront connaître tous les détails. Peut-être oseront-ils mettre en doute ses accusations, voire l’accuseront d‘avoir provoqué les événements avec sa jupe fine et courte. Ainsi que sa baignade en tenue d’Eve. Puis, ce sera le tribunal où l’exposition des faits l’obligera à revivre le cauchemar une seconde fois face à des inconnus, ses parents…
Mais le réalisateur ne joue pas la carte du féminisme anti-masculin de base et pousse la réflexion un peu plus loin.
En effet, la position d’Alice est floue. Aguicheuse, elle joue tellement bien la femme-enfant qui fait tomber les hommes qu’on peut se demander si elle ne s’amuse pas à regarder ces deux coqs s’affronter pour ses beaux yeux. Bien sûr, elle s’y brûlera les ailes car ce rôle la prédestinait à être une victime.
Le comportement de Mike et Verner appelle la même réflexion. Très vite, la rivalité bête et méchante, déterminée par une société où prédomine la compétition, apparaît comme seul moteur de leur motivation. Le final du film montre les deux garçons aussi dépités que la jeune fille, découvrant un peu tard les conséquences d’une manipulation dont ils ont également été les objets.
En plus d’être brillamment mis en scène, visuellement superbe et interprété de manière poignante par Helga Anders, Klaus Löwitsch et Arthur Brauss, Mädchen mit Gewalt expose un portrait triste, mais probablement juste, des relations hommes-femmes, basées sur la force, la soumission et la manipulation.
Mädchen mit Gewalt
Allemagne – 1970
Réalisation : Roger Fritz
Interprètes : : Helga Anders, Klaus Löwitsch, Arthur Brauss…
Bande annonce en allemand :