Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau
Bien que le scénariste Henrik Galeen a changé les lieux, les noms (Dracula devient Orlok, Lucie se transforme en Ellen, Jonathan s’appelle Hutter, etc), supprimé quelques passages et réécrit la fin, on reconnaît immédiatement le Dracula de Bram Stoker dans le film de Murnau. À un point tel d’ailleurs que Nosferatu fait sans nul doute partie des adaptations les plus fidèles du roman de l’écrivain britannique.
Récemment marié avec Ellen, Hutter est secrétaire dans une agence immobilière. Son patron, Knock, l’envoie en mission en Transylvanie afin de rencontrer le comte Orlok qui souhaite s’installer à Wisborg. Lorsqu’il fait la connaissance du comte, Hutter décèle que son hôte est un vampire. Mais Orlok quitte soudainement le château après avoir découvert le portrait d’Ellen dans les affaires d’Hutter. Dès son arrivée à Wisborg, le comte tente de faire sienne Ellen. Lorsque Hutter arrive enfin, la peste s’est déjà abattue sur la ville.
L’une des plus importantes différences entre l’œuvre de Murnau et celle de Stoker réside dans la représentation du vampire. Alors que Dracula est majestueux et séduisant, Orlok s’avère effrayant et cauchemardesque. Grotesque également tant son aspect physique frise, parfois, avec le ridicule (oreilles démesurées, yeux exagérément enfoncés dans leur orbite, ongles interminablement longs, posture effroyablement raide et tendue). Quoi qu’il en soit, le personnage imaginé par l’acteur Max Shreck est si extraordinaire et étrange qu’il est devenu l’une des plus marquantes singularités du film. En dehors de Klaus Kinski pour le remake signé Werner Herog en 1979 et de Reggie Nalder à l’occasion de l’adaptation du roman de Stephen King Les Vampires de Salem, peu nombreux seront les acteurs qui auront incarné des vampires aussi atypiques et effrayants. On notera aussi que le vampire de Murnau n’est pas accompagné des amusoires folkloriques dont sont habituellement affublés les suceurs de sang. Ail et crucifix ne sont d’aucun recours contre cette créature cauchemardesque.
Le film tire une bonne partie de sa force de son propre esthétisme, sublimé par des jeux d’ombre et de lumière expressionnistes. Mais l’utilisation de décors naturels et d’extérieurs (à Lübeck et Wismar) offrent également à Nosferatu un aspect singulier. Murnau insiste également sur le contraste qui existe entre l’idyllique village de Wisborg où la vie semble si insouciante et le sombre et effrayant château du comte Orlok en Transylvanie. Murnau se sert de ce contraste pour mettre en image l’aspiration d’Ellen à une vie moins monotone et insouciante, plus aventureuse et mystérieuse comme le suggère la scène où on la voit attendre le retour d’Hutter. Elle l’attend sur une plage, mais Hutter est parti à cheval et Orlok, lui, arrive par la mer.
Nosferatu est tout à la fois un film d’amour à travers les relations tragiques qui lient Ellen, Orlok et Hutter. Un film d’aventure en raison des nombreux voyages semés d’embuches qui se passent à cheval ou sur un bateau entre la Transylvanie et Wisborg. Et un film d’épouvante comme l’attestent les décors lugubres, la peste qui s’abat sur le village et l’effrayant vampire. Le film marque de bien belle manière, non seulement les débuts du vampire au cinéma, mais aussi ceux de Murnau. Suivront Le Dernier des Hommes en 1924, Faust l’année suivante et L’Aurore qu’il tournera aux États-Unis en 1927.
Le film a eu droit à un remake en 1979, réalisé par Werner Herzog avec, dans les rôles principaux, Klaus Kinski (Dracula/Orlok) et Isabelle Adjani (Lucy/Ellen).
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Nosferatu le Vampire, une Symphonie de l’Horreur
Nosferatu – Eine Symphonie des Grauens
Allemagne – 1922
Réalisation : Friedrich Wilhelm Murnau
Interprètes : Max Schreck, Gustav von Wangenheim, Greta Schröder, Alexander Granach, Georg Heinrich Schnell…
Sources : Films des années 20 (Taschen)