Schatten aus der Zeit, une adaptation lovecraftienne aux formes indéfinissables
Dans le mythe de Cthulhu et des Grands Anciens fondé par Howard Phillips Lovecraft, L’Abîme du temps (titre original : The Shadow Out of Time) tient une place importante car elle éclaire de manière significative les origines de ces êtres qui ont habités notre planète bien longtemps avant l’apparition de l’homme.
En 1975, la longue nouvelle écrite entre 1934 et 1935 et l’un des derniers textes publiés du vivant de son auteur, fait l’objet d’un film étrange produit par la ZDF, deuxième chaîne de télévision allemande : H.P. Lovecraft: Schatten aus der Zeit.
Après avoir filmé ses acteurs, le scénariste et réalisateur George Moorse décide, pour retranscrire l’histoire sur le petit écran, d’extraire 850 diapositives afin de composer un collage aventureux qui rappelle pour beaucoup la forme d’un roman-photo. Pendant que défile le diaporama, une voix-off omniprésente permet au protagoniste principal de raconter sa fantastique histoire…
Ainsi, nous apprenons qu’en 1957, le professeur en économie N. W. Peterson (Anton Diffring), souffre de violents maux de tête. En fin de compte, Peterson devient amnésique et doit tout réapprendre ; il consacre alors son temps à engendrer toutes sortes de connaissances. Soudainement, cinq années plus tard, Peterson recouvre ses souvenirs perdus mais il est désormais hanté par des cauchemars effrayants, eux-mêmes habités par des êtres issus de mondes étranges…
L’œuvre mystérieuse et déconcertante de Lovecraft a permis aux lecteurs de mettre à contribution leur imagination. Il était donc parfaitement légitime que des auteurs inventent des formes de narration originales. Ainsi, le téléfilm Détective Philippe Lovecraft (1991) met en scène le romancier dans une aventure directement inspirée de ses œuvres, The Call of Cthulhu (2005) illustre une histoire sous la forme d’un film muet, Necronomicon (1993) est une anthologie, etc. Finalement, il n’est pas surprenant qu’un auteur ait imaginé adapter une nouvelle sous la forme d’un diaporama. Le choix s’avère d’ailleurs plutôt malin, voire judicieux, permettant plusieurs séquences non dénuées d’une certaine folie, comme les scènes oniriques ou la séquence durant laquelle un disciple des Grands-Anciens volent les connaissances de Peterson à l’aide d’un étrange appareil.
Bien sûr, il est également plus facile de créer des mondes et des créatures fantastiques en photos qu’en utilisant des effets-spéciaux, en particulier dans les années 70.
Certes, il peut s’avérer difficile de s’accoutumer à la forme. Quoi qu’il en soit, la mise en images de l’univers lovecraftien n’est, quant à elle, jamais grotesque ou sujet à moquerie. Illustrer les rêves par des collages et des dessins s’avère pertinent et la durée très courte (50 minutes) est également un atout.
Loin d’être un échec, le choix courageux de George Moorse donne naissance à une œuvre unique. Cette excitante découverte s’inscrit parfaitement dans le monde obscur et troublant du mythe de H.P. Lovecraft.
Schatten aus der Zeit
Allemagne – 1975
Réalisation : George Moorse
Interprètes : Anton Diffring Ingrid Resch
Bande annonce en allemand :