Ulli Lommel, Marian Dora... Deux enfants terribles du cinéma allemand en invités de marque du numéro 37 de Sueurs Froides. Le premier pour une biographie. Le second à l'occasion d'une interview. Également au sommaire : Val Lewton, Nancy Drew,Flower and Snake, Leprechaun, entretien avec Patrice Herr Sang.
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Nouveauté

Sophia, Death and Me – La sagesse de la mort

Quelles seraient vos priorités si vous saviez qu’il ne vous reste que très peu de temps à vivre ? Thees Uhlmann, auteur du roman à l’origine de Sophia, Death and Me, arrive à un âge où l’on commence justement à se poser ce genre de questions. Il partage avec nous ses réflexions, désormais mises en image dans un film signé Charly Hübner.

Sophia, Death and Me - La sagesse de la mort
Sophia, Death and Me - La sagesse de la mort

Naissance

Avant toute chose, Thees Uhlmann est un musicien très populaire en Allemagne. D’abord comme leader du groupe de rock pop Tomte dans les années 90 puis, en se consacrant à une carrière solo débutée en 2011.

Souvent quelque peu mélancoliques, les textes de ses chansons sont marqués par des questions sociales mais peu engagés politiquement. Par exemple Das Mädchen von Kasse 2 rapporte les pensées d’un jeune homme qui côtoie tous les jours dans le bus la caissière de son supermarché, essayant d’imaginer les rêves et désillusions de sa compagne de voyage.

Les qualités rédactionnelles de Thees Uhlmann l’ont fatalement amené à accoucher d’un roman. Celui-ci s’est donc avéré suffisamment visuel pour se voir ensuite adapté au cinéma par Charly Hübner.

Les liens entre cinéma et musique ne s’arrêtent pas en si bon chemin puisque Hübner s’est précédemment illustré en mettant en scène Wildes Herz (2017), un documentaire sur Jan ‘Monchi’ Gorkow, leader charismatique du groupe punk Feine Sahne Fischfilet… Un groupe pour lequel le réalisateur avait également filmé le très beau clip de la chanson Warten auf das Meer. Hübner, comédien à ses heures perdues (La Vie des autres en 2006), y incarne d’ailleurs le très digne papa de cette touchante chanson.

Bref, c’est bel et bien un certain monde de la musique indépendante qui s’est donné rendez-vous pour Sophia, Death and Me qui n’est pas pour autant un film musical, mais plutôt un road movie. Un road movie teuton et pas américain. En conséquence, les grands espaces se voient ici réduits à leur portion la plus congrue. Ainsi, les champs verts du nord de l’Allemagne se substituent aux déserts arides. Et les impressionnants camions se voient remplacés par des tracteurs, difficiles à dépasser sur les routes de campagne… Ce qui donne une idée du rythme adopté par le film…

Sophia, Death and Me - La sagesse de la mort
Sophia, Death and Me - La sagesse de la mort

Humour décalé et bon enfant

Reiner n’est même pas étonné quand un homme pâle en costume se présente à sa porte, prétextant qu’il est la Mort et qu’il ne lui reste que trois minutes pour préparer son départ. Mais durant ces 180 secondes, l’ancienne compagne de Reiner sonne à la porte et interrompt le rituel sans le savoir. Reiner a gagné quelques heures, voire quelques jours… En attendant que l’inévitable ne se produise, Reiner et Sophia, accompagnés du triste messager, décident de passer ces derniers instants ensemble. Et d’entreprendre un voyage en direction du sud de l’Allemagne où vit leur fils que Reiner n’a pas vu depuis plusieurs années.

Si le thème s’avère inévitablement sombre, le traitement, lui, se veut léger. Ce choix est porté par des dialogues qui ont à cœur d’apaiser le destin tragique qui s’annonce. Exemple :

  • Bonjour, je suis la Mort. Veuillez m’accompagner.
  • Bien sûr. Un instant. Je prépare mes affaires. Veuillez patienter une minute, j’arrive !
  • Ça c’est drôle. On me l’avait jamais faite…

Ainsi, il s’agit de dédramatiser la mort pour mieux porter le message principal du métrage. À savoir : Plutôt que de passer son existence à organiser sa vie après la mort, mieux vaut vivre franchement sa vie et, en même temps, préparer sa propre mort. Il s’agit là de la meilleure des solutions pour être en paix avec ses proches car, après tout, ce sont eux qui devront se relever de votre départ.

Un message clamé haut et fort dès l’une des premières séquences du film, lorsque des témoins de Jéhovah, tout sourire, rencontrent notre héros. Celui-ci admet que, tout comme eux, il prie aussi, mais uniquement pendant les matches de foot.

Bien sûr, Sophia, Death and Me est conscient qu’il ne révolutionnera pas la pensée philosophique. D’autant plus que notre héros n’a rien de prestigieux. Ses centres d’intérêts ne le prédisposent pas d’ailleurs à devenir un guide spirituel : le foot, le café d’à côté, le foot encore… C’est quelqu’un que la vie a tout simplement oublié et qui se retrouve enfin le personnage principal de l’histoire. Monsieur tout le monde en somme…

C’est dans cet état d’esprit que se présente avec beaucoup d’humilité Sophia, Death and Me. La mise en scène se voit épurée au maximum et ne présente pas d’innovation majeure. La musique évite les envolées lyriques. Les grands discours moralisateurs sont même aux abonnés absents. Dès lors, l’idée principale est transmise en sous-texte, par la démonstration.

Dans ce contexte, certains poncifs, quelques réflexions plates ou des traits d’humour pas toujours percutants passent sans problème. Reste alors un film tout public, touchant, divertissant et très agréable.


Allemagne
- 2023 - Charly Hübner
Titres alternatifs : Sophia, der Tod un Ich
Interprètes : Dimitrij Schaad, Anna Maria Mühe, Marc Hosemann, Johanna Gastdorf, Carlo Ljubek, Lina Beckmann, Josef Ostendorf, Mateo Kanngießer, Charly Hübner

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Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
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