Histoire du cinéma allemand

1913-1929 – Histoire du cinéma muet allemand : L’expressionnisme

Durant la période du cinéma muet allemand, les films circulaient plus facilement entre les pays car ils ne subissaient pas la barrière de la langue. À cette période, le cinéma allemand en profita grandement et exerça une importance considérable sur le septième art, autant sur le fond que sur la forme. Et cette influence ne se limitait pas aux films uniquement ; l’acteur Emil Jannings était une star mondiale qui remporta le premier Oscar pour son interprétation dans Crépuscule de gloire (1928).

Économiquement, l’industrie du cinéma allemand était soutenue durant les années 20 par la faiblesse du Deutsch Mark. L’achat, c’est-à-dire l’importation de films, était donc onéreuse. En revanche, grâce à une monnaie faible, il s’avérait peu coûteux de produire des films, ce qui permit à l’UFA, le principal producteur outre-Rhin, de se développer et de prospérer. Près de 600 films étaient produits chaque année ; l’un des réalisateurs le plus actif était Ernst Lubitsch.

À l’origine de l’Expressionnisme

Parallèlement, l’Allemagne connut une période trouble, marquée par de nombreuses tensions politiques (putsch et révolte communiste en mars 1920, assassinat politique en 1922…) et de grandes difficultés économiques (hyperinflation due au maintien des salaires à des grévistes assuré par l’État pour empêcher la prise de contrôle d’usines bavaroises par la France et la Belgique).

À la suite de la Première Guerre mondiale, l’insécurité et les craintes vis-à-vis de l’avenir sont alors palpables.

Or, le fantastique est un vecteur pertinent pour dépeindre la peur et la terreur, tout en permettant par la même occasion une forme d’évasion.

En parallèle, depuis le début du XXe siècle et en particulier en Allemagne, un courant artistique apparut : l’expressionnisme. Dans leurs œuvres, les artistes expressionnistes inspiraient au spectateur une réaction émotionnelle, souvent fondée sur des images angoissantes, afin d’exprimer la vision pessimiste qu’ils avaient de leur époque.

C’est donc naturellement que cette époque connut une émergence du fantastique, profondément marqué par l’expressionnisme.

Au cinéma, l’expressionisme fut marqué par une représentation non réaliste du monde, avec des perspectives fausses, dissonantes, qui mettent en évidence l’étrange. La marque de fabrique du cinéma expressionnisme allemand est un éclairage non uniforme, des décors stylisés réalisés en studio et des perspectives de caméra non conventionnelles.

Précurseurs

1913-1929 - Histoire du cinéma muet allemand : L'expressionnisme
Der Student von Prag

Le précurseur du cinéma expressionniste est L’Étudiant de Prague. Dans son film réalisé en 1913, Paul Wegener posa les bases du cinéma expressionniste qui se développa dans les années 20 et qui influença durablement le cinéma par la suite. L’utilisation, pour l’époque, d’effets spéciaux extraordinaires, permirent également de démontrer le potentiel offert par le cinéma ; l’apparition en double et dans le même plan d’un personnage marquait la différence entre ce nouveau média et le Théâtre. Paul Wegener affirma son style avec Golem (1915), sa suite Der Golem und die Tanzerin (1917) et son remake Der Golem (1920).

Mais le premier véritable film expressionniste est Le Cabinet du docteur Caligari. Réalisé par Robert Wiene en 1920, le film, qui définit l’expressionnisme allemand, joue avec le public et le laisse constamment dans l’incertitude concernant la véracité des faits qui lui sont contés : sont-ils réels ou nés de l’imagination ? La présence d’un rebondissement final, artifice inédit à l’époque, les décors bizarres et asymétriques qui illustrent l’atmosphère cauchemardesque du film, ont grandement conditionné le cinéma.

Citons également Les Trois Lumières de Fritz Lang (1921) et Le Cabinet des figures de cire de Paul Leni (1922) parmi les films marquants de cette époque.

Nosferatu le vampire

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Nosferatu

Premier film de vampire, et même premier film d’horreur, Nosferatu le vampire (1922) est l’adaptation officieuse du roman de Bram Stoker Dracula. Même s’il se permet quelques trouvailles comme le fait que les rayons du soleil sont mortels pour les vampires, le film de F.W. Murnau reste très fidèle au roman Dracula, au point que la veuve du romancier porta plainte pour plagiat et exigea que les copies soient détruites. Heureusement, quelques-unes survécurent et permirent de démontrer à quel point le film influença le genre, en particulier dans la représentation du vampire.

F.W. Murnau fait partie des réalisateurs les plus importants du genre. Deux années après Nosferatu le vampire, une symphonie de l’horreur, Murnau thématise la peur du chômage et de la chute sociale avec Le dernier des hommes. Après son adaptation de Faust en 1926, de nouveau avec Emil Jannings (dans le rôle de Méphisto), Murnau quitte l’Allemagne pour les États-Unis où il débute sa carrière américaine avec L’Aurore (1927), qui s’avère un échec financier. Le film remporte cependant trois Oscars. Aujourd’hui, il est considéré comme l’un des films les plus importants de la période du muet. Malheureusement, l’échec financier de L’Aurore coûta à Murnau sa liberté artistique et il décéda en 1931 dans un accident de la route sans avoir tourné d’autres films majeurs.

En 1924, Le Dernier des hommes avec Emil Jannings, également réalisé par F.W. Murnau, révolutionne la façon de filmer, jusqu’alors plutôt statique. En effet, dès la première scène du film, la caméra emmène les spectateurs dans le dédale des couloirs d’un hôtel. Pour réussir cet exploit, Karl Freund avait posé sa caméra sur un vélo.

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Metropolis

Fritz Lang

Le plus connu des réalisateurs de l’expressionnisme allemand est sans conteste Fritz Lang.

En 1922, avec Le docteur Mabuse d’une durée totale de près de 5 heures il créé un génie du crime particulièrement saisissant.

Mais, en 1927, Fritz Lang met en scène le film le plus important de son époque : Metropolis. C’est aussi le film le plus coûteux de la période du muet, ainsi que l’un des premiers films de science-fiction dont La Guerre des Étoiles et Blade Runner sont les successeurs.

En effet, comme Metropolis (1927) aborde lui-même de nombreuses thématiques de la SF (la ville industrialisée, l’androïde, le savant fou, les télécommunications, la hiérarchie sociale…), son influence sur le cinéma de science-fiction est incommensurable. Le film reflète aussi les peurs de l’époque et en particulier celles de la classe ouvrière. Sa dépendance aux machines génère deux conséquences incarnées par le cyborg Maria : la déshumanisation et la perte de la personnalité.

En parallèle, le film reflète la décadence de cette décennie dorée que sont les années folles et l’amoralité des bourgeois : pendant que les travailleurs débutent sans espoir leur révolte, Maria danse et s’amuse dans une boîte de nuit et encourage les autres invités à regarder par la fenêtre pour voir le monde s’écrouler en restant les bras croisés. Cependant, le film se termine de manière positive avec le rapprochement des deux classes : « Le cœur doit être un médiateur entre le cerveau et les mains » dixit le film.

Metropolis est aussi l’un des derniers films expressionnistes.

Héritage

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M le maudit

À la fin du cinéma muet allemand, en 1931, Fritz Lang met en scène M le maudit avec Peter Lorre, l’un des derniers chefs-d’œuvre de cette importante époque du cinéma allemand. Sans dérobade, il montre à quoi ressemble l’état d’esprit de la population allemande qui s’apprêtait alors à se livrer de bon gré à la dictature nationale socialiste.

Avec Le testament du docteur Mabuse, il récidive en 1933 en dépeignant les deux principes utilisés par les nazis : la manipulation des masses et la négation de l’individualité.

Après s’être exilé en France, Fritz Lang émigra aux USA où il connut une carrière retentissante. Son style expressionniste et sa vision pessimiste du monde trouvèrent un débouché dans le Film Noir dont il réalisa certains classiques : La Rue rouge (1945) et Règlement de comptes (1953).

Auparavant, l’expressionnisme aura grandement influencé le cinéma fantastique américain durant les années 30 et le Film Noir durant les années 40 et 50.

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Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
je vous propose de découvrir différentes facettes méconnues
du cinéma allemand sur ThrillerAllee.
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L'Écran Méchant Loup pour les loups-garous au cinéma
Sueurs Froides pour les films de genre et d'auteur subversifs.
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