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Le Ciel rouge – doux et amer

Après Ondine (2020), Le Ciel rouge est le second volet d’une trilogie dédiée au romantisme allemand. Vague à l’âme, langueur, introspection et recherche de l’unité intérieure se confrontent à la dure réalité d’un monde malade, symbolisé par un feu de forêt qui va contraindre les protagonistes à sortir de leur zone de confort. Le film du réalisateur Christian Petzold, dont les festivals ont maintes fois célébré le cinéma, est marqué par des histoires pleines d’émotions, touchant le quotidien pourtant anecdotique de ses personnages…

Durant un été chaud, Leon passe un week-end avec Felix. Ils logent dans la maison des parents de son ami nichée au cœur d’une forêt au bord de la Mer Baltique. Leon a besoin de tranquillité pour terminer son roman et le temps presse avant l’arrivée de son éditeur. Mais les conditions de travail dans ce paysage idyllique ne s’avèrent finalement pas aussi idéales que prévu… En effet, les garçons doivent partager l’endroit avec Nadja. La jeune femme a loué la maison pour l’été et, chaque soir, s’envoie bruyamment en l’air avec Devid, le maître-nageur. La cohabitation avec la ravissante, Nadja, le bellâtre Devid et le désinvolte Felix vont mettre en évidence certains traits de caractère peu glorieux de Leon.

Dans le miroir – Leon

Le Ciel rouge – doux et amer
Le Ciel rouge – doux et amer

Le Ciel rouge regorge de tranches de vie de trentenaires, apparemment insignifiantes mais en réalité nourries de métaphores dépeintes avec poésie. Au centre des saynètes anodines, presque éducatives, on trouve Leon, superbement interprété par Thomas Schubert, qui a probablement accepté de prendre un peu d’embonpoint pour le rôle.

Leon est un personnage clairement désagréable, pétri de défauts, plus ou moins irritants. Rien de bien méchant certes, mais il peut se montrer méprisant, égoïste, narcissique. Aussi insignifiants soient-ils, ses mauvais côtés se révèlent blessants pour ses interlocuteurs, et même handicapant socialement pour lui. Ainsi, Leon apparaît de plus en plus replié sur lui-même, s’isolant et s’éloignant fatalement des autres.

Au cœur d’une vie citadine superficielle, ces faiblesses ne se manifestent peut-être pas de manière aussi saillante. Mais, ici, dans un environnement naturel, sans contre-façon, rationnel, entouré de protagonistes sincères, elles éclatent littéralement au grand jour. Le stress du travail fatigue Leon, au point qu’il a besoin de dormir plus que de raison. Quand on l’invite à participer à des activités, le garçon, anxieux, répond que le travail n’attend pas. Une attitude qui n’a finalement comme résultat que de l’amener à trouver refuge inutilement dans sa bulle. Or, les forces de la nature ne sont pas maîtrisables…

Les forces de la nature

Le Ciel rouge – doux et amer
Le Ciel rouge – doux et amer

Il y a d’abord le sexe. Ses amis s’y adonnent joyeusement et lui n’y participe que de loin, sous le coussin qu’il plaque sur ses oreilles pour étouffer les râles… Mais l’amour et l’amitié lui sont également interdits.

Des sentiments naturels qu’il ne prend pas au sérieux, à l’instar de ce danger qui semble si irréel…

Christian Petzold ne blâme pas trop Leon. En fin de compte, ses faiblesses, nous les connaissons bien puisque nous les cajolons nous-mêmes au fond de nous. L’identification s’accomplit, et finalement, ce péril qui plane au-dessus de Leon permet au métrage de transcender l’étude du seul caractère de son personnage principal. Le Ciel rouge porte alors un regard plus large en direction de notre condition face à l’inévitable qui semble s’annoncer.

Alors que, au loin, le feu de forêt prend de l’ampleur, on s’interroge… Qu’attend Leon pour enfin faire face à son environnement ? Quand arrêtera-t-il de regarder son nombril ?

Cinéma bourgeois et intellectuel

Le Ciel rouge – doux et amer

Le Ciel rouge reste une comédie dramatique, légère, s’octroyant quelques sourires. À ce titre, la chute de l’histoire du spray rendant homosexuel vaut son pesant de cacahuètes. Mais l’humour, absurde, surgit aussi à l’improviste, au détour d’un échange, comme lorsqu’il s’agit de savoir ce qui est le plus urgent : finir de rédiger son roman ou réparer une fuite sur le toit ? Chaque scène enchante par la finesse des dialogues et de l’interprétation.

Si Christian Petzold a visionné les films d’Éric Rohmer pour s’en inspirer, Le Ciel rouge s’avère cependant plus digeste que les productions du réalisateur français. Certes, les protagonistes sont tous issus de milieux artistiques ou de la classe moyenne plus ou moins intellectuelle. Les problèmes de leur milieu n’intéresseront probablement pas tout le monde. Cependant, la réalisation est moins ampoulée que celle de Rohmer, les dialogues plus naturels et les situations plus démocratiques.


Allemagne
- 2003 - Christian Petzold
Titres alternatifs : Roter Himmel, Afire
Interprètes : Thomas Schubert, Paula Beer, Enno Trebs, Langston Uibel, Matthias Brandt...

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Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
je vous propose de découvrir différentes facettes méconnues
du cinéma allemand sur ThrillerAllee.
D'autres blogs où je suis actif :
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Sueurs Froides pour les films de genre et d'auteur subversifs.
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