Ulli Lommel, Marian Dora... Deux enfants terribles du cinéma allemand en invités de marque du numéro 37 de Sueurs Froides. Le premier pour une biographie. Le second à l'occasion d'une interview. Également au sommaire : Val Lewton, Nancy Drew,Flower and Snake, Leprechaun, entretien avec Patrice Herr Sang.
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DrameFilm d'auteur

Aguirre, la colère de Dieu – Le ténébreux alter ego de Klaus Kinski

Werner Herzog était prêt à toutes les folies pour réaliser un bon film, y compris celle d’emmener son équipe de tournage dans l’un des pires endroits au monde : la jungle. De son voyage au pays de tous les extrêmes, le réalisateur allemand a ramené l’un des sommets de l’art cinématographique : Aguirre, la colère de Dieu.

Au XVIe siècle, après la conquête et le pillage de l’empire Inca par les Espagnols, les Indiens inventent, pour faire diversion, la légende du pays de l’or, l’El Dorado. En s’inspirant du seul document conservé, le journal d’un moine, Aguirre, la colère de Dieu, relate l’expédition menée par Don Lope de Aguirre…

Aguirre, la colère de Dieu – Le ténébreux alter ego de Klaus Kinski
Aguirre, la colère de Dieu – Le ténébreux alter ego de Klaus Kinski

“Si je veux que les oiseaux tombent morts des arbres, ils tomberont morts des arbres.”

Pour l’authenticité, Aguirre, la colère de Dieu a été tourné au cœur de la jungle. L’œuvre propose donc peu de panoramiques et s’éloigne ainsi du cinéma américain qui a trop souvent tendance à présenter la jungle de manière séduisante. L’hostilité de la nature est d’ailleurs si manifeste dans Aguirre que le film fait presque figure de documentaire.

De la même manière, les attaques des sauvages ne donnent jamais lieu à des batailles épiques. Elles sont brèves, imprévisibles. Au final, on peut même dire qu’il ne se passe finalement pas grand-chose.

Quoi qu’il en soit, le film tire son authenticité de ces choix. Au point que l’on ne sait pas toujours si ce que l’on voit à l’écran fait partie du domaine de la réalité ou du scénario…

Or, la folie guette lorsque la réalité et la fiction se confondent.

D’ailleurs, la présence de ces cinéastes/conquistadores sur un territoire aussi improbable est pure aberration.

Aguirre, la colère de Dieu – Le ténébreux alter ego de Klaus Kinski
Aguirre, la colère de Dieu – Le ténébreux alter ego de Klaus Kinski

Klaus Kinski fanatique

À la tête de ces hommes, Klaus Kinski impressionne en tant qu’Aguirre. Il incarne son personnage avec tant de conviction qu’il est difficile de savoir à quel point il s’est identifié à lui…

Peut-être était-il convaincu, comme le soutiennent certains, d’être réellement Don Lope de Aguirre… Folie, narcissisme et égocentrisme sont au demeurant des qualités que l’on peut attribuer autant à Aguirre qu’à Kinski.

D’ailleurs, durant le tournage, tout comme son alter ego complotait pour prendre la place du commandant de l’expédition, Kinski échafaudait aussi des plans pour éliminer le metteur en scène…

Plus intéressant : la symbiose de Klaus Kinski et d’Aguirre apporte du poids au message du film…

En effet, la mégalomanie d’Aguirre/Kinski, qui s’oppose à toute tentative d’explication cohérente, fait écho aux velléités expansionnistes insensées de l’impérialisme occidental.

Aguirre, la colère de Dieu – Le ténébreux alter ego de Klaus Kinski
Aguirre, la colère de Dieu – Le ténébreux alter ego de Klaus Kinski

Aujourd’hui encore, cette mégalomanie reste intacte et s’est même aggravée… Si, à l’époque des conquistadores, l’homme blanc était persuadé que le monde entier avait été créé par un Dieu à son image, aujourd’hui, il croit que l’univers sans réserve lui appartient et fantasme sur d’improbables et aberrantes conquêtes spatiales… Alors même que l’énergie et les matières premières lui manquent…

Le narcissisme de la civilisation pouvait-il être mieux incarné que par un fou ?

La première scène, célébrée comme l’une des plus belles du cinéma, démontre cette attitude désinvolte et insolente.

Dans cette séquence magistrale, l’un des rares plans larges du film, les protagonistes descendent à pic d’une montagne côtoyant les nuages. Embarrassés de fardeaux hors de propos tels que des animaux de basse-cour incongrus et des princesses aux robes somptueuses, ils se dirigent, sans le savoir, droit vers leur funeste destin.

L’image, allégorie du caractère insensé de l’entreprise dans laquelle se sont lancés les hommes, donne littéralement le vertige.

Pour enfoncer le clou, la dernière scène…

Aguirre/Kinski est à la dérive sur son radeau risible. Entouré de ses compagnons morts, il expose ses plans de conquête du monde… à une colonie de singes.

C’est l’image d’une civilisation entière qui tourne en rond comme la caméra virevolte autour du mégalomane.

Certes, d’aucuns jugeront interminables certains séquences. La narration semble s’écouler aussi paresseusement que l’Amazone. Néanmoins, Aguirre, la colère de Dieu est une expérience cinématographique intense et unique. Au point qu’elle n’est aucunement destinée aux seuls cinéphiles exigeants.

En plus de ses interprétations profondes qui interpellent sur la propre genèse du film, Aguirre peut aussi être apprécié comme une histoire d’aventure tragique, superbement photographiée par Thomas Mauch. Ses images de la nature péruvienne resteront en effet à jamais dans nos mémoires.

Bande annonce

Aguirre, der Zorn Gottes – Allemagne de l’Ouest, Mexique – 1972 ; réalisation : Werner Herzog ; Interprètes : Klaus Kinski, Alejandro Repulles, Cecilia Rivera, Helena Rojo, Edward Roland, Dan Ades, Peter Berling…


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Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
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