Arboretum – Donnie Darko dans le Thuringe

Un arboretum est un jardin botanique dans lequel cohabitent différentes espèces de plantes. L’enjeu est d’analyser la croissance de chaque espèce…

Durant les années 90, Erik et Sebastian sont deux adolescents qui vivent dans une petite ville de l’ex-Allemagne de l’Est. Lorsqu’ils ne s’ennuient pas, ils subissent à l’école le harcèlement d’une bande de néonazis. Alors que les deux adolescents tuent le temps en réfléchissant à la meilleure façon de se venger de leurs tourmenteurs, Erik rencontre une jeune fille. Le voilà devant faire face à un choix difficile : l’amour ou la violence, quitte à renier son ami d’enfance ?

Un cri pour la compassion

Die Ärzte est un groupe punk rock très populaire en Allemagne. Il remplit des stades. « Schrei nach Liebe », issu de leur répertoire et évoqué dans le film, est l’une des chansons anti-nazies les plus connues en Allemagne.

Les paroles s’adressent à un skinhead fictif : « Tu es un abruti, tu n’as jamais appris à articuler, il faut tout t’expliquer, car tu ne comprends rien ».  Puis, lors du refrain, les paroles se révèlent soudainement bienveillantes, exprimant des circonstances atténuantes : « Tes parents et ta petite amie n’ont jamais eu de temps à t’accorder. En fin de compte, ta violence n’est que l’expression d’un besoin d’amour négligé ». Puis, l’hymne se solde par des insultes martelées à l’encontre du nazi fictif.

Pour le groupe Die Ärzte, il ne s’agit pourtant pas d’insulter des gamins d’extrême droite, mais d’interpeller chacun sur ses responsabilités, de faire comprendre que la violence ne génère que la violence.

Exercer la violence découle donc d’un choix…

Teenage Werewolf

Pour comprendre les origines de sa haine, Erik quitte sa ville déshumanisée et se rend aux sources. Or, la Thuringe, où se déroule l’action, est une contrée composée de forêts et de collines austères, également le berceau de nombreuses légendes… Là, en lisière de forêt, l’attend justement une créature fantastique qui lui conseille de se venger de ses tourmenteurs…

Arboretum n’en est pas un film fantastique pour autant. Si le réalisateur s’aventure à la lisière du genre, c’est pour mieux démontrer que le passage à l’acte n’a rien de surnaturel, même si l’un des titres alternatifs du film est Teenage Werewolf. Comme le dit la chanson de Die Ärzte, elle est la conséquence d’une décision.

L’expérience du père d’Erik, qui n’est décidément plus le même depuis qu’il a abattu l’un de ses compatriotes essayant de fuir vers l’Ouest, ne dit pas autre chose.

Reste à savoir si Erik et son ami, qui s’entraînent au tir avec cette même arme à feu, trouveront le moyen de mettre un terme à la spirale de violence qui semble s’imposer dans tous les recoins de la société en ce début des années 90…

Drame de la jeunesse sur fond de fantastique

La réflexion est portée de manière convaincante par deux comédiens bourrés de talent. Oskar Bökelmann est un jeune acteur qui enchaîne les petits rôles depuis 2009. Par exemple, il incarne un jeune soldat allemand prisonnier de guerre dans Les Oubliés (2015). Son comparse, Niklas Doddo, a, pour sa part, commencé sa carrière sur scène, et plus précisément au Theater der Jugend à Vienne, spécialisé dans des pièces destinées à la jeunesse.

De son côté, le réalisateur Julian Richberg compense le maigre budget à sa disposition par la sincérité et un sens aigu de l’efficacité. Ainsi, il exploite intelligemment ses ressources et en particulier la Thuringe, région allemande jadis rattachée à la RDA… Un choix judicieux pour dépeindre la tristesse du quotidien de jeunes face à un avenir morose, suffisamment en tout cas pour que sa première réalisation propose une leçon convaincante et pertinente sur un sujet pourtant si conventionnel.