Plus il y a de va-t-en-guerre, plus elle est absurde : Le Pont (1959)
Après la guerre, le cinéma allemand avait bien du mal à se positionner, enfantant des œuvres manichéennes opposant le bon peuple allemand et les méchants, à savoir les états-majors. Ce simplisme apaisait les mauvaises consciences mais empêchait l’introspection et la nécessaire analyse en profondeur pour comprendre ce qui avait bien pu engendrer Auschwitz, entre autres. Ce n’est qu’en 1959 avec Le Pont que le cinéma allemand franchit ce pas.
Le film de Bernhard Wicki se déroule à la fin de la Seconde Guerre mondiale et délivre un message universel, non pas sur la guerre en elle-même mais sur la responsabilité de chacun à alimenter l’envie de guerre.
Le jour d’après
Réalisé dans un magnifique noir et blanc par le metteur en scène suisse, Le Pont est principalement interprété par des comédiens amateurs. Cette particularité explique probablement la spontanéité du film. Sec, réaliste et dramatique, il ne tourne pas autour du pot pour dépeindre l’absurdité de la guerre. Après avoir vu le film, le spectateur est d’ailleurs envahi par un profond sentiment de malaise et de tristesse. Émotions nourries par des personnages attachants auxquels il est si facile de s’identifier.
Le Pont se déroule dans les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale. La défaite est prévisible. Néanmoins, toutes les forces disponibles doivent pouvoir être mobilisées. Y compris les gamins âgés d’une quinzaine d’années. De leur côté, les adultes sont tous horrifiés de voir partir au front les enfants du village, de l’instituteur aux parents, et même le policier municipal. Un espoir naît cependant lorsque les militaires trouvent un stratagème permettant de ne pas envoyer les jeunes au massacre.
C’est ainsi que les enfants se retrouvent affectés à la surveillance d’un pont, celui qui se trouve justement à l’entrée de la bourgade et dont la valeur stratégique est proche de zéro. En effet, les généraux savent d’ores et déjà que l’ouvrage est condamné puisque, in fine, il faudra le détruire pour ralentir l’avancée de l’ennemi.
Il n’y a donc aucun intérêt à protéger la passerelle.
Malheureusement, personne n’avait compté avec la détermination des gamins, légitimée par des années de discours héroïques… Selon ces belles paroles, défendre de son sang chaque centimètre carré du territoire allemand est un devoir sacré.
Fabrique du consentement
Le film ne montre pas mais suggère parfaitement l’atmosphère qui régnait dans le pays avant le conflit. La puissance insolente de l’Allemagne était telle que les adultes rêvaient d’exploits et de conquêtes, et donc de guerre. En 1945, ce n’est plus la même chanson et la désillusion est palpable chez les anciens. Plus personne ne croit à la victoire.
Tout le monde sauf… les jeunes. Abreuvés de propagande assurée par les adultes, ils ont déjà une idée très précise du déroulement de leurs carrières militaires au sein de la Wehrmacht et fantasment sur leurs futurs actes héroïques… Aucun adulte ne semble avoir eu le courage de leur expliquer la réalité de la situation. Le manque d’expérience de ces enfants, leur naïveté, ainsi que leur manque de recul vont les pousser à sauter à pieds joints dans la gueule du loup.
À méditer avant de s’engager tête baissée dans le premier conflit qui passe.
Die Brücke – Allemagne – 1959 – Réalisation : Bernhard Wicki – Interprètes : Folker Bohnet, Fritz Wepper, Michael Hinz, Frank Glaubrecht, Karl Michael Balzer, Volker Lechtenbrink…
Bande annonce
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