The Captain – l’Usurpateur – pas tout public
Après Red (2010) et Divergente 2 : L’Insurrection (2015), Robert Schwentke est avec The Captain – l’Usurpateur à des années lumières de son cinéma habituel, grand public. Il s’est également entouré d’une équipe talentueuse. Ainsi, la photographie en noir et blanc brillamment assurée par Florian Ballhaus est soutenue par la belle partition musicale de Martin Todsharow pendant que le casting s’avère excellent avec, en tête d’affiche, Max Hubacher qui incarne un Willi Herold glacial et sans scrupules. À ses côtés, Milan Peschel tente d’apporter un brin d’humanité dans le rôle du soldat Freytag tandis que Frederick Lau (Victoria) fait quant à lui monter la pression avec le personnage du soldat Kipinski…
Allemagne, 1945, la Seconde Guerre mondiale touche à sa fin. Comme tant d’autres, le caporal Willi Herold a fui pour échapper à une mort inutile. Mais il se fait attraper et comme la vie d’un déserteur ne vaut pas tripette, c’est au cours d’une chasse à l’homme dont il est le gibier que nous faisons sa rencontre. Par chance, Herold parvient à s’échapper une nouvelle fois. Dans sa cavale, il trouve un uniforme de capitaine de la Luftwaffe. Il l’enfile et devient un autre homme. Croyant avoir affaire à un véritable capitaine, des soldats se joignent à son périple, dont Freytag et Kipinski. Désormais, Herold bénéficie d’un certain confort, mais aussi du droit de vie et de mort…
Au début, Herold est appelé « Petit Cochon » par ceux qui le tourmentent. C’est une victime. Lorsqu’il enfile le costume de capitaine, ses premières décisions sont plutôt amusantes. Les choses deviennent plus sérieuses lorsqu’il doit punir par la mort un pilleur. À ce moment-là, le spectateur qui s’est attaché et identifié à Herold et son visage poupin peut encore excuser son geste en se disant qu’il ne pouvait pas faire autrement sans risquer de dévoiler sa couverture. Mais les événements deviennent bien plus dramatiques et inexcusables lorsqu’ils prennent place dans le camp de travail. Le spectateur qui s’est identifié à Herold grâce à son visage d’ange et le traitement injuste dont il a été la victime au début du film se retrouve pris au piège : durant plus de la moitié du film il s’est identifié à un monstre.
La réussite de Robert Schwentke est d’être parvenu à cumuler les rebondissements de façon convaincante. En conséquence, la transition de victime en bourreau de Herold est réaliste. Tout comme ses mensonges qui s’amplifient au même rythme que la violence. Lorsqu’elle prend une tournure effroyable, Schwentke prend le parti d’annoncer au public que l’histoire qui se déroule sous ses yeux est finalement tirée de faits réels. Les événements deviennent alors de plus en plus obscènes, absurdes et grotesques. Ainsi, après avoir pris son public par la main, le réalisateur lui fait mal, le déshonore, le blesse. Cette succession d’émotions contradictoires n’est peut-être pas surprenante puisque la guerre est une expérience où la raison disparaît.
Robert Schwentke ne s’intéresse pas seulement aux hommes qui appliquent la violence mais aussi à ceux qui doivent la subir. Lorsque Herold explique à deux prisonniers qu’il a invité à sa table qu’ils sont responsables de la violence qu’ils subissent où lorsque la troupe de Herold s’adonne à un contrôle d’identité dans une ville allemande du XXIème siècle durant l’étrange générique de fin, faire profil bas semble être la meilleure attitude à adopter.
L’histoire du soldat Herold, c’est celle de quelqu’un qui, en 1945 est devenu par hasard un criminel de guerre. Et tout le monde peut finir criminel de guerre, s’il n’y prend garde. En effet, une fois affranchies de toutes sanctions, certaines personnes sont capables du pire ; porter un uniforme change les gens, tout comme l’attitude des autres qui savent qu’il est préférable d’obéir à ceux qui en sont dotés.
Der Hauptmann
Réalisation : Robert Schwentke
Interprètes : Max Hubacher, Milan Peschel, Frederick Lau, Bernd Hölscher, Waldemar Kobus, Alexander Fehling, Samuel Finzi…