Unheimliche Geschichten, cinq histoires mettant en scène la Catin, le Diable et la Mort.
Unheimliche Geschichten se compose de cinq histoires, dont le ciment est joliment assuré par la rencontre dans la boutique d’un libraire, de trois singuliers personnages : la Catin, la Mort, le Diable. Tous les trois prennent vie et sortent littéralement des peintures les hébergeant. Dès lors, ils passent la nuit en s’amusant à lire des histoires les mettant en scène.
Dans la première scénette, une femme disparaît sans laisser de trace. L’explication sera-t-elle fantastique ou simplement banale ? Dans le second récit, la main de la victime d’un assassinat réclame vengeance auprès de son meurtrier. La troisième intrigue est inspirée du Chat noir d’Edgar Alan Poe. Dans l’histoire suivante, un commissaire de police infiltre un club privé dans lequel les adhérents, par jeu, risquent leur vie au hasard en tirant une carte. Enfin, dans la dernière scénette, un homme tente de se débarrasser de son rival à l’aide d’une hantise.
La collaboration des trois acteurs qui incarnent la Catin, la Mort, le Diable transcende le film.
La catin est interprétée par Anita Berber. Fille d’un virtuose du violon, elle fit scandale après la guerre à Berlin, que ce soit en raison de sa consommation immodéré de morphine, de ses danses dénudées sur les planches, ou sa propension régulière à changer de partenaires.
Richard Oswald, le réalisateur, la fait débuter au cinéma en 1918 dans ses films de mœurs (Die Prostitution, Das Tagebuch eines Verlorenen – Dida Ibsens Geschichte). Sa silhouette fragile, son visage d’enfant et son attitude frivole titille l’imagination du public masculin. Et avec Conrad Veidt et Reinhold Schünzel, elle forme un trio infernal du cinéma Weimarien. Pour Unheimliche Geschichten, elle démontre ses qualités de danseuse, qu’elle dévoile à nouveau en 1921 dans Dr. Mabuse – der Spieler de Fritz Lang.
La Mort est quant à elle interprétée par Conrad Veidt. Grand, mince, les yeux sombres et enfoncés dans leurs orbites, il jouait, comme pour Unheimliche Geschichten, les marginaux, ce qui ne l’empêcha pas d’être une icône de son époque. Il débute au cinéma dans Der Weg des Todes de Robert Reinert en 1916. Puis, l’année suivante, débute une longue et fructueuse collaboration avec Richard Oswald pour lequel il développe une façon de jouer très démonstrative en incarnant des personnages démoniaques et sombres. C’est ainsi qu’il deviendra Cesare le somnambule manipulé par le Dr. Caligari en 1920 dans le film de Robert Wiene.
Le visage maquillé de blanc, Reinhold Schünzel incarne un Méphisto, digne du Faust de Goethe. Et au fil des histoires, il incarne des citoyens au bord de la folie et du meurtre. L’acteur, qui avait débuté au cinéma en 1916, avait l’habitude de ces rôles où il était d’ailleurs cantonné. Sa carrière riche de 130 films continua jusqu’à la fin des années 20. Beaucoup d’entre eux sous la direction de Richard Oswlad, en particulier ses films fantastiques et policiers.
Deux genres qui deviendront justement les genres de prédilection de Richard Oswald qui avait débuté sa carrière en 1915 avec Das Unheimliche Zimmer, le troisième film d’une saga dédiée à Conan Doyle. Avec Unheimliche Geschichten Richard Oswald allait ouvrir une nouvelle voie pour le Septième Art en privilégiant l’étrange.
La réussite de ces histoires singulières passe également par des moments clés rehaussés par la mise en scène. Comme lorsque le chat noir s’extrait de son piège où lorsque l’horloge indique au protagoniste les secondes qui lui restent à vivre après qu’il ait tiré la mauvaise carte dans un jeu de vie ou de mort. Dans ces passages, Unheimliche Geschichten démontre sa capacité à créer du suspens, mais également à surprendre avec des retournements de situation de dernière minute.
Unheimliche Geschichten
Allemagne – 1919
Réalisation : Richard Oswald
Interprètes : Anita Berber, Conradt Veidt, Reinhold Schünzel…