Nanar

Die Insel der Blutigen Plantage : flambant nanar

Le premier avril, c’est le jour des blagues… Le bon moment pour partir à l’abordage des nanards !

Écoutez l’article :

Dépaysement, filles exotiques à moitié nues, violences, perversions sexuelles, tortures, explosions… Finalement, ce que les producteurs ont concocté, c’est un film d’exploitation doté d’un budget de série B et l’enthousiasme d’un film d’auteur.

Le producteur Peter Kern et l’acteur Klaus Raab sont des fidèles des films de Rainer Werner Fassbinder. Le second est par ailleurs l’acteur principal de la Tendresse des loups. Après avoir fondé la Luxor-Filmproduktion, ils se mettent en tête de produire un film d’action qui se déroulerait sur une île paradisiaque. L’objectif est de gagner suffisamment d’argent pour produire des films plus ambitieux sur le plan artistique… Mais les choses ne se déroulent pas comme prévues. En effet, le coproducteur philippin Felipe G. Ortega Jr s’avère ne pas être à la hauteur…

C’est ainsi que l’équipe allemande se retrouve en territoire étranger sans contact et avec l’obligation de recruter une nouvelle équipe. Comme si les choses n’étaient pas encore assez compliquées, il faut de surcroît éviter les sabotages perpétrés par ce traître de Felipe G. Ortega Jr. contrarié d’avoir été déboulonné du projet…

Die Insel der Blutigen Plantage : flambant nanar

Terrain miné

C’est un miracle que le film ait été bouclé mais les conditions de tournage expliquent aussi un scénario incohérent et les décisions souvent aberrantes prises par les protagonistes.

Par exemple, le directeur d’une revue allemande dispose de deux nymphettes à promouvoir. Peter Kern, de son côté, a un grand besoin d’argent. Par conséquent, il propose à son contact de lui envoyer les deux greluches. Comme la scène tournée à la va-vite ne s’intègre pas dans le scénario, elle sert de scène d’ouverture au film ; elle n’en reste pas moins surprenante…

Un despote maintient en esclavage les habitants d’une petite île des Philippines avec l’aide d’Olga, sa fidèle femme de main. Dans cette prison à ciel ouvert, les hommes travaillent comme des bêtes dans la plantation pendant que les femmes doivent fournir des services sexuels aux soldats, en plus de leur besogne. Le grain de sable dans l’engrenage, c’est Hermano qui tombe amoureux d’une jolie sauvageonne. La passion lui fait ouvrir les yeux sur les agissements de son chef. Hermano passe donc dans le camp adverse et tente d’aider les insulaires dans leur projet d’évasion.

En Allemagne, le film n’a eu droit qu’à quelques projections en salle avant d’être purement et simplement interdit par les gardiens de la morale de l’époque.

Avec toutes ces femmes à moitié nue et ces amours interdits générateurs de punitions et autres tortures sadiques, il est évident que l’objectif était de surfer sur la vague des films de prison pour femmes. Le film ne cache pas beaucoup non plus son attirance pour les nazisploitation… Certes, on ne trouve aucune croix gammée, mais le brassard que les soldats portent autour du bras ressemble beaucoup à l’emblème nazi. Par ailleurs, on a vite-fait de trouver une raison à la présence de ces allemands si éloignés d’Europe… Quant à Olga, son sadisme, sa perversité et son appétit sexuel font irrémédiablement penser à la sulfureuse Dyanne Thorne, alias Ilsa, La Louve des SS.

Die Insel der Blutigen Plantage : flambant nanar

Écoutez-moi bien. Hermano et toi, vous allez maintenant me faire un petit show sexy, un jeu amoureux plein d’érotisme. Je déteste la baise abrutissante.

Les sévices infligés sont nombreux, en commençant par une éprouvante scène de flagellation. La plupart du temps, les maltraitances sont plus dépravées et sournoises comme lorsque Olga oblige Hermano à coucher avec elle sous les yeux de la fille qui l’aime. Il y a aussi ces moments « délicieux » où les soldats exigent des indigènes qu’elles montent sur un arbre pour cueillir des noix de coco… En réalité il s’agit d’un simple stratagème pour jeter un œil sous leur pagne… Tout tourne autour du sexe, ce qui démontre une véritable obsession des auteurs pour la chose.

En réalité, cette préoccupation démontre surtout la volonté des auteurs d’en donner pour son argent au spectateur. Eu égard aux conditions de tournage, il était évident pour tout le monde qu’il n’était plus question d’aboutir à un film cohérent. La séquence durant laquelle l’un des soldats est transformé en lieu de promenade pour araignées est emblématique d’un certain sens du sacrifice… Une scène insupportable pour tout arachnophobe qui se respecte.

Die Insel der Blutigen Plantage : flambant nanar

Navet bichonné

Il faut dire aussi que le casting est impressionnant…

La taille, la minceur et les cheveux blonds de Karl-Otto Alberty lui ont souvent permis de jouer les officiers nazis. En 1966, on le trouve par exemple dans Paris brûle-t-il? aux côtés de Jean-Paul Belmondo. Ici, son cabotinage est délicieux.

Barbara Valentin, quant à elle, était considérée comme une bombe sexuelle en raison de sa vie dissolue dans les années 50. Elle est ensuite devenue la protégée de Rainer Werner Fassbinder qui l’a fait jouer dans le classique Tous les autres s’appellent Ali (1974).

Quant à Udo Kier, en 1983, il venait de boucler Lili Marleen avec Mel Ferrer (également sous la direction de Rainer Werner Fassbinder) et Docteur Jekyll et les femmes de Walerian Borowczyk.

Certes, Die Insel der Blutigen Plantage est un nanar, mais un nanar qui a de la classe !

Die Insel der blutigen Plantage
The Island of the Bloody Plantation
Allemagne, Philippines – 1983
Réalisation : Kurt Raab, Celso Ad. Castillo
Interprètes : Udo Kier, Barbara Valentin, Tet Antiquiera, Karl-Otto Alberty, Karen Lopez, Hans Zander, Karina Fallenstein, Mike Monty…

Extraits du journal de bord tenu par le réalisateur Kurt Raab pendant le tournage :

  • “Nous ne pouvons plus tourner sur l’île, car son propriétaire nous fait du chantage avec de nouveaux frais de tournage très élevés”.
  • “Un typhon s’approche. Des pluies torrentielles”.
  • “Le type des effets spéciaux ne peut pas faire d’explosions parce qu’il a oublié d’acheter de la dynamite”.
  • “Le générateur, seule source d’alimentation électrique de l’île, a explosé alors que nous sommes en train de tourner les scènes de nuit. Durée de la panne estimée à deux jours”.
  • “L’avant-dernier jour de tournage, tremblement de terre. Peur de mourir…”

Bande annonce :

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Die Insel der Blutigen Plantage n’est pas le seul nanar teuton… Laissez vous séduire par Force Noire, une autre œuvre phare de la catégorie.


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Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
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du cinéma allemand sur ThrillerAllee.
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