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Nosferatu, fantôme de la nuit – humanité aux abois

Avec Nosferatu, fantôme de la nuit, Werner Herzog concrétise le remake de l’un des films les plus importants du cinéma allemand. Appuyé par un casting exceptionnel (Klaus Kinski, Isabelle Adjani, Roland Topor, Bruno Ganz), le réalisateur de Aguirre, la colère de Dieu (1972), propose une interprétation toute personnelle de l’oeuvre remontant à 1922. Pour autant, Herzog ne dénature jamais l’original, lui rendant même souvent hommage par exemple en grimant Klaus Kinski de manière à honorer le maquillage porté par Max Schreck dans le film de F.W. Murnau.

Un agent immobilier de Wismar se rend en Transylvanie auprès du comte Dracula pour négocier la vente d’une demeure. Sur le chemin, les gens l’avertissent des dangers qui l’attendent chez l’aristocrate. Mais Harker n’écoute pas et trace sa route, ce qu’il finira par amèrement regretter. Après avoir goûté au sang du commis, Dracula se rend à Wismar pour, cette fois-ci, s’en prendre à Lucy, l’épouse de Harker.

La lente agonie d’une civilisation

Nosferatu, fantôme de la nuit - humanité aux abois
Nosferatu, fantôme de la nuit - humanité aux abois

Dans Aguirre, Werner Herzog dressait un constat critique de la civilisation prédatrice qui s’était approprié les terres vierges de l’Amérique latine pour les piller. Les premières images de Nosferatu, fantôme de la nuit livrent la sinistre conclusion de cette prédation dépeinte par le cinéaste sept ans auparavant. Ainsi, la caméra s’attarde lentement sur les momies de cadavres, victimes du choléra au 19e siècle dans la ville mexicaine de Guanajuato…

Lorsque Nosferatu débarque à Wismar, c’est bel et bien la mort, la pourriture et l’effondrement qu’il apporte avec lui. Les victimes semblent toutes frappées par une étrange maladie dévastatrice que rien ne semble pouvoir arrêter. La catastrophe génère des images terrifiantes de cercueils s’entassant pas centaines sur la place du marché. Le spectateur assiste alors, ni plus ni moins, à une apocalypse annonçant la fin d’un monde. L’espoir a quitté ces lieux et les survivants désespérés festoient avec, à leur table, des cadavres de coq, censés illustrer un dîner, tandis que les rats arpentent les rues désertes.

Sombre, silencieuse et sordide, la ville nichée au bord de la mer Baltique de Nosferatu jure dramatiquement avec la beauté naturelle de la forêt amazonienne mise en exergue dans Aguirre. L’atmosphère froide, glaciale et hostile est rendue par une photographie qui souligne les zones d’ombre, les murs froids, les pièces non meublées… L’ennui coule du film, qui adopte un rythme délibérément lent, appuyé par une musique atmosphérique. Dès lors, lorsque Nosferatu s’approche de ses victimes, celles-ci ne tentent même pas de lui échapper. Non pas parce que la créature de la nuit dégage une attirance érotique irrésistible, mais parce qu’elle apporte la délivrance pour cette humanité aux abois.

Klaus Kinsi, un visage pour le crépuscule du monde

Nosferatu, fantôme de la nuit - humanité aux abois

Il y a, dans la représentation que Werner Herzog dresse de cette cité décadente, comme des velléités de mort. De cette aspiration à Thanatos suinte une sensualité mélancolique, morbide et malsaine, teintée de poésie, magnifiquement incarnée par Klaus Kinki.

L’acteur prête au vampire son charisme comme la mort imprègne les cimetières. Nosferatu est en proie à une telle solitude et à un tel isolement qu’il inspire la pitié. Tragique créature gémissante qui ressemble à une erreur de la nature, elle porte le fardeau de l’immortalité avec désolation.

Le Nosferatu de Herzog est certes plus un film d’auteur qu’un film de genre. Le rythme lancinant de l’ensemble l’atteste. Ainsi, le film n’est pas séquencé par des scènes comme un film d’horreur, avec des morts toutes les dix minutes. Certains plans suscitent certes l’horreur, mais c’est surtout l’ambiance mortifère qui imprègne chaque seconde du film qui génère l’horreur, la désolation et le dégoût. Nosferatu, fantôme de la nuit est un film qui s’éprouve.


Allemagne, France
- 1979 - Werner Herzog
Titres alternatifs : Nosferatu - Phantom der Nacht
Interprètes : Klaus Kinski, Isabelle Adjani, Bruno Ganz, Roland Topor, Walter Ladengast, Dan van Husen...


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Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
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