À l’Ouest rien de nouveau (2022) – leitmotiv banalisé
À l’Ouest rien de nouveau d’Edward Berger est la troisième adaptation du roman d’Erich Maria Remarque qui relate les expériences du romancier dans les tranchées de la Première Guerre mondiale.
Le livre se distingue par le réalisme des descriptions des horreurs auxquelles étaient confrontées les soldats de la soi-disant Der des Ders.
En Allemagne, À l’Ouest rien de nouveau est un classique. Pas pour des raisons littéraires puisque d’aucuns pointent du doigt certains aspects un peu kitch mais parce que le système scolaire, afin de pacifier un peuple, s’est acharné pendant des décennies à le donner à lire aux écoliers.
Et ça continue encore et encore
Le film commence par quelques scènes dans lesquelles des beaux-parleurs en costume expliquent à des gamins qu’il est de bon ton de faire la guerre pour la patrie. Enflammés par le discours, les jeunes se laissent facilement berner. Et enrôler. À l’Ouest rien de nouveau s’attache ensuite à décrire la réalité de la guerre qui, surprise, va s’avérer bien moins réjouissante que prévu. Rien de bien neuf aurait-on presque envie d’ironiser.
En parlant d’ironie… L’Allemagne se place au quatrième rang mondial des ventes d’armes en 2020.
Et en 2024, les dirigeants envisagent même de claquer 100 milliards d’euros dans la Bundeswher, l’armée nationale. Pour assurer la défense du pays, bien sûr, dans un contexte politique tendu.
Investir massivement dans l’armée et en même temps condamner la guerre… On n’est plus à une contradiction près…
C’est que le début d’accord, d’accord…
La version d’Edward Berger arrive après que l’histoire originale a déjà été remise au goût du jour en 1979 à l’occasion d’un honnête téléfilm dans lequel figurent les illustres Ernest Borgnine et Donald Pleasence.
La première adaptation, datant de 1930, reste néanmoins la plus renommée. Le réalisateur Lewis Milestone profitait de l’occasion pour inclure des éléments dont il avait été témoin en tant que membre de l’armée US. Le film, célébré pour son pacifisme et à l’époque interdit par les nazis, remporta le premier Oscar du cinéma, le comité ayant été touché par la réalisation sensible et humaine.
Si, aujourd’hui encore, la vue de la version 1930 prend aux tripes, c’est assurément parce que la condamnation de la guerre y est éclatante.
Cet aspect est moins évident, et surtout plus questionnable, dans la version signée Edward Berger. Condamner les horreurs de la guerre en dépeignant celle qui s’est déroulée il y a plus de 100 ans alors qu’une nouvelle se joue sur le territoire européen semble quelque peu incongru.
Si l’on est bienveillant, on expliquera cette incongruité par un problème de temporalité puisque le projet a mis pas moins de 16 ans à aboutir. Les scénaristes avaient acquis les droits du livre en 2006. Patiemment, ils s’acquittaient chaque année du renouvellement de ces droits. Ainsi 200 000 euros ont été versés en tout et pour tout pendant une quinzaine d’années. Jusqu’à ce que Netflix accepte de financer le film…
C’est toujours le même film qui passe
En l’état, À l’Ouest rien de nouveau bénéficie de décors naturels près de Prague qui suggèrent très bien le début du 20e siècle. Et Daniel Brühl apporte un nom prestigieux au projet.
Le film introduit également des éléments nouveaux par rapport au roman comme ces séquences montrant les négociations d’armistice. Des passages qui anticipent clairement l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale en dépeignant des alliés imposant des sanctions trop sévères pour une Allemagne qui ne manquera pas de se rebiffer, comme on le sait.
Mais le film est également pétri de séquences déjà vues. Comme des images proches du noir et blanc délivrant des visions de paysages dévastés par les champs de bataille dans un hiver qui n’en finit pas. Des généraux se plaignant que les croissants sont rassis tandis que les soldats grelottent dans les tranchées. Bien sûr, les meilleurs d’entre eux doivent mourir à l’occasion de séquences convenues.
Dans ce cadre conventionnel, la décision du général de sacrifier, pour un baroud d’honneur, les derniers gamins encore capables de tenir debout fera l’effet d’un cliché de plus.
Plus ennuyeux, les protagonistes destinés à l’abattoir ne bénéficient d’aucune construction psychologique. Au point que les personnages se révèlent totalement déshumanisés. Un comble dans un film pacifiste.
Au final, À l’Ouest rien de nouveau échoue à proposer une alternative crédible à la première adaptation signée Lewis Milestone. Il fait bien pâle figure face à des ténors du film pacifiste comme Les Sentiers de la gloire (1957). Et il n’arrive même pas à recontextualiser un message pacifiste dans une époque qui en aurait pourtant bien besoin.
Allemagne - 2022 - Edward Berger
Titres alternatifs : Im Westen nichts Neues
Interprètes : Felix Kammerer, Albrecht Schuch, Moritz Klaus, Aaron Hilmer, Edin Hasanovic, Devid Striesow, Daniel Brühl...