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La Fille au vautour – l’indépendance par la maîtrise des émotions


Allemagne - 1956 - Frantisek Cáp (Franz Cap)
Titres alternatifs : Die Geierwally
Interprètes : Barbara Rütting, Carl Möhner, Heinrich Hauser, Til Kiwe, Maria Hofen, Franz Pfaudler, Helga Neuner, Walter Janssen...

La version de La Fille au vautour signée Frantisek Cáp en 1956 est la cinquième adaptation d’un roman écrit par Wilhelmine von Hillern en 1875 : Die Geier-Wally. L’auteur s’inspire d’une anecdote que lui avait racontée une amie. Celle-ci s’était portée volontaire pour vider un nid de ses aiglons. Une corvée couramment pratiquée à cette époque afin de protéger les troupeaux de moutons. Sauf que la tâche ingrate était généralement dévolue aux garçons. De ce récit, Wilhelmine von Hillern en tire un roman dans lequel le personnage féminin refuse les conventions de la féminité et vit sa jeunesse comme une sauvageonne jetée dans la nature…

Pour la Wally, c’est l’heure de se marier. Mais la jeune femme, fille d’un riche paysan, ne souhaite pas épouser Vinzenz, le fermier imposé par papa. Elle préfère un chasseur, le beau Josef. Une violente dispute éclate entre le père et la fille. Au terme de la confrontation, la Wally se retire dans les montagnes. Son seul compagnon est alors un vautour qu’elle a sauvé de la mort après qu’un chasseur a tué sa mère…

La Fille au vautour – l’indépendance par la maîtrise des émotions
La Fille au vautour – l’indépendance par la maîtrise des émotions

L’adaptation la plus connue du roman reste probablement celle de 1940, réalisée par Hans Steinhoff avec, dans le rôle-titre, Heidemarie Hatheyer. Même si elle est réputée plus faible, l’adaptation de Frantisek Cáp s’avère néanmoins solide et s’illustre en délivrant un message fort. Le réalisateur auréolé du grand prix à Cannes pour le film sur la résistance Les Hommes sans ailes en 1946, communique ici principalement par les émotions. Celle-ci ne sont pas toujours très belles, en particulier lorsque déception et désillusion se montrent de bien mauvaises conseillères…

Sur ce point, la révolte qui fulmine à l’intérieur de la Wally est admirablement retranscrite à l’écran par la charismatique Barbara Rütting. Très populaire en Allemagne, l’actrice connaîtra même une carrière internationale en se retrouvant aux côtés de Kirk Douglas en 1961 dans Ville sans pitié. Plus tard, elle entamera une carrière politique en s’engageant avec les Verts allemands.

Dans La Fille au vautour, son entourage lui reproche d’avoir le diable au corps, rien que ça.

Le mélodrame représente en réalité un vibrant brûlot pour l’indépendance de l’âme. Sur fond de morale religieuse, le film s’efforce de démontrer que la lutte pour l’indépendance ne doit jamais se faire au détriment d’autrui. Ainsi, notre Wally aspire à la liberté. Mais, face à l’injustice dont elle est victime, la jeune femme réagit de manière méprisante et cruelle. Une fâcheuse attitude engendrant de nouveaux préjudices. En d’autres termes, être victime n’est pas un passe-droit pour se transformer en scélérat.

La Fille au vautour – l’indépendance par la maîtrise des émotions
La Fille au vautour – l’indépendance par la maîtrise des émotions

Délivré par les différents curés de la paroisse, le discours n’en est pas moins pertinent. La leçon n’est pas moralisatrice et invite plutôt chacun à refuser la résignation, la soumission et les réactions à l’emporte-pièce. En somme, il convient de surpasser ces réactions médiocres. Car, se laisser dominer par ses émotions, ce n’est pas être indépendant, c’est être esclave de son désarroi.

Immédiatement identifiable parce que souffrant d’une injustice insupportable, le personnage de Barbara Rütting emporte derechef l’adhésion. Incarnée avec force et conviction, la Wally commet des erreurs qui font écho. L’identification atteint son pic dans une séquence qui, étrangement, rappelle la scène du bal de Carrie (1976). Comme l’héroïne du film de Brian De Palma, la Wally voit alors son rêve se réaliser après tant d’épreuves. Mais le moment de félicité est immédiatement suivi d’une terrible désillusion, doublée d’une humiliation tout aussi bouleversante.

L’interprétation est solide avec Carl Möhner, le beau chasseur d’ours Josef. L’acteur s’est principalement illustré dans Du rififi chez les hommes (1955) de Jules Dassin dans lequel il participait au braquage d’une bijouterie. Le papa autoritaire qui s’illustre par le traitement indigne qu’il réserve à sa fille se voit incarné avec brutalité par Franz Pfaudler. L’acteur, qui a principalement hérité de seconds rôles, fait ici une forte impression en père autoritaire et injuste. Le malheureux est mort pendant le tournage, après avoir néanmoins tourné toutes ses scènes. Il a ainsi fini sa carrière sur un film où il se dévoile haïssable au plus haut point tandis que tout le monde est derrière la Wally.

La réalisation se met également au diapason, en témoignent les images exceptionnelles captées en Haute-Bavière. Franz Koch livre ici un film de montagne spectaculaire. Lui qui s’était précédemment compromis dans des films de propagandes nazis comme Le Triomphe de la volonté (1935), participe ici à une entreprise bien plus louable.


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Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
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