Louis II de Bavière, Wagner et Sissy

C’est en 1955 que le réalisateur Helmut Käutner hérite de la mise en scène de l’un des films les plus somptueux de l’époque, retraçant la vie de Louis II de Bavière, le roi de contes de fées…

Qui est Louis II de Bavière ?

Jeune et beau, Louis a 18 ans lorsqu’il hérite du trône. Il est alors apprécié par son peuple, ému par son romantisme et sa passion des arts, notamment de la poésie. Ainsi, il prend sous son aile Richard Wagner, auquel il voue une véritable passion. Tout comme pour sa cousine Sissi, l’impératrice d’Autriche, qui apparaît comme une authentique âme sœur pour lui.

Comme monarque, Louis II fascine autant qu’il déroute. Certains de ses contemporains le surnomment déjà le roi fou en raison des fortunes qu’il dépense, dans une Europe frappée par la guerre, à bâtir des châteaux phénoménaux dans des paysages magiques. Walt Disney ne s’y trompera pas en s’inspirant du château de Neuschwanstein pour La Belle au bois dormant…

À la fin de son existence, pour échapper au réel, Louis II de Bavière se réfugie seul dans un monde imaginaire aux décors féeriques construits par lui-même à la gloire de Tristan et Iseult. Là, il mène une vie fantasmée où il s’imagine, la nuit, s’entretenir avec Louis XVI et Marie-Antoinette…

Considéré fou, il finit interné et sa mort reste une énigme. En effet, à ce jour, personne ne sait exactement comment Louis et son psychiatre sont morts dans le lac Starnberg…

Une interprétation souveraine

Louis II de Bavière est interprété par OW Fisher dont la prestation s’avère magistrale et emportée, quelles que soient les émotions retranscrites à l’écran. Son émoi pendant les opéras de Wagner est palpable, tout comme la tristesse et la détresse que le personnage ressent lorsqu’il doit finalement renvoyer son protégé. Commence alors sa chute. Les tourments du monarque, qui se lamente de ces guerres meurtrières, et son amour impossible avec sa cousine Sissi s’avèrent parfaitement retranscrits à l’écran par l’acteur.

Lors de la dernière partie du film, Fisher perpétue la prestance du monarque, même lorsque Louis II se voit abandonné et raillé. Ainsi, OW Fisher défend son personnage et lui insuffle cette aura qui lui épargne le ridicule. Bien au contraire, même seul et décrié, le roi garde sa superbe et le ridicule touche les autres protagonistes. Comme lors de cette lamentable tentative de coup d’État où il faudra que ce soit Louis II lui-même qui se rende pour que ses rivaux parviennent finalement à leur fin.

Durant la Wirtschaftswunder, période après la Seconde Guerre mondiale durant laquelle l’Allemagne connaît une rapide croissance économique, Otto Wilhelm Fischer sera l’un des acteurs les plus célèbres dans les territoires germanophones. Le comédien s’illustre alors dans des films d’amour avec Maria Schell ou Ruth Leuwerik. Pour Louis II de Bavière, il s’adonne à de distants monologues qui feront sa marque de fabrique, comme pour donner corps au médium de Hanussen (1955).

À ses côtés brille Klaus Kinski, qui incarne le vent de folie dans lequel peut sombrer à chaque instant Louis II. Même si l’acteur décrié ne bénéficie que de quelques minutes de métrage, Kinski convainc admirablement dans le rôle du jeune régent Othon. En particulier lors d’une scène éprouvante où il sombre littéralement dans la schizophrénie après avoir dû se soumettre à la proclamation de l’Empire allemand.

Un film à la hauteur d’un roi

Si Louis II était un roi grandiose, il en est de même du film réalisé par Helmut Käutner, l’un des metteurs en scène les plus influents du cinéma allemand d’après-guerre. Peu avant Louis II de Bavière, il dirige Le Dernier Pont (1954), qui remporte un prix à Cannes, avant de connaître le succès grâce à ses adaptations du romancier allemand Carl Zuckmayer, comme Le Capitaine de Köpenick (1956) ou Le Général du diable (1955).

La mise en scène se révèle cependant marquée d’une opulence toute monarchique. La réalisation, typique des années 50, s’affiche certes rigide mais certainement pas austère. En effet, Louis II de Bavière propose des décors improbables, grâce à un tournage qui s’est déroulé dans les superbes paysages de Bavière, mais aussi dans les châteaux de Hohenschwangau, Neuschwanstein et de Herrenchiemsee.

Des autorisations qui ne sont certes pas restées sans contrepartie… En effet, la famille exigeait, par exemple, que l’homosexualité du roi fou ne soit pas abordée… Sur ce point, Helmut Käutner prend bien soin de remplir son cahier des charges. Mais les préférences de Louis II ne font pas mystère… Et ce, encore une fois, grâce au jeu exalté de OW Fisher. L’ambiguïté permettra au spectateur, qui le souhaite, de faire des conjonctures. Les autres, pour leur part, se réjouiront d’un film débordant de passion, d’amour des arts, de mélancolie et authentique dans la forme.