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Les Mantes religieuses donnent le baiser de la mort


Allemagne - 1970 - Zbynek Brynych
Titres alternatifs : Die Weibchen
Interprètes : Uschi Glas, Irina Demick, Françoise Fabian, Pascale Petit, Alain Noury, George Ardisson, Anne-Marie Kuster

En 1970, Rapports intimes au collège de jeunes filles, film voyeuriste, bat tous les records de recette en exploitant outrageusement la femme comme objet sexuel. La même année, Les Mantes religieuses sort en toute confidentialité et propose un regard bien différent sur la condition féminine. Là, dans une ambiance fin des années soixante joliment rendue par des couleurs psychédéliques, des filles belles et fatales formulent des revendications beaucoup plus radicales.

Souffrant de stress aigu, Eve se voit prescrire une cure de six semaines dans une maison de repos. L’atmosphère de l’établissement évoque le village du Prisonnier avec cet aspect accueillant qui semble dissimuler d’étranges manigances. Chose étrange, les patients sont exclusivement des femmes. Seuls l’inquiétant jardinier Adam et l’excentrique commissaire de police de la bourgade proche, déguisé en curé, représentent la gent masculine. Plus tard, trois hommes en panne de voiture échouent près de la maison de repos et finissent par disparaître les uns après les autres. Au milieu de ce tumulte, Eve croit avoir vu les cadavres, mais personne ne la prend au sérieux. Principalement parce que la disparition de ces hommes n’est un sujet pour personne.

Les Mantes religieuses donnent le baiser de la mort
Les Mantes religieuses donnent le baiser de la mort

Peu avant la conclusion du film, la caméra du réalisateur Zbynek Brynych survole innocemment les objets abandonnés sur une table de chevet. Un livre trône parmi les bibelots : le SCUM Manifesto, brûlot féministe écrit et auto-édité en 1967 par la new-yorkaise Valerie Solanas. Celle-là même qui tentera d’assassiner Andy Warhol en le poignardant.

Sur un ton parodique mais violent, le pamphlet suggère aux femmes de renverser le gouvernement, d’éliminer le système d’argent, de ne plus avoir recours aux mâles pour la reproduction et, cerise sur le gâteau, d’éliminer carrément le sexe masculin de la carte.

Le film Les Mantes religieuses adopte des accents tout aussi outranciers et peu nuancés, délivrés par des actrices engagées, comme Françoise Fabian que l’on trouve dans sa distribution. La comédienne, qui venait de jouer pendant une décennie pour des réalisateurs comme Louis Malle, Éric Rohmer ou Luis Buñuel, fera partie en 1971 des signataires du manifeste des 343, rédigé par Simone de Beauvoir en faveur du droit à l’avortement.

En tête de gondole, on trouve cependant Uschi Glas qui, jusqu’alors, était surtout l’un des visages féminins les plus populaires du Krimi. L’héroïne de Les Mantes religieuses s’engagera dans l’égalité des chances après avoir rendu public un harcèlement subi sur un plateau de tournage. Dès lors, elle plaidera pour la fin de la prescription en ce qui concerne les agressions sexuelles, et l’instauration de quota afin que les femmes soient mieux représentées.

À l’époque de Les Mantes religieuses, Uschi Glas s’étonnait déjà de la forme que prenait alors l’émancipation des femmes :

« Je ne veux pas passer pour quelqu’un de moralisateur. Mais, dans les années 68, je ne comprenais pas ce qui pouvait être émancipateur dans le fait de montrer son corps. Si vous vous déshabillez et qu’un homme regarde vos seins, pour moi, ce n’est pas de l’émancipation. Vous êtes et restez un objet de désir, un objet de plaisir. Personnellement, je n’ai jamais voulu être réduite à ça. »

Les Mantes religieuses donnent le baiser de la mort
Les Mantes religieuses donnent le baiser de la mort

L’époque permet toutefois les remises en question radicales. Dans ce contexte, Les Mantes religieuses s’avère résolument foutraque. Un aspect qui lui sera fatal puisque le film a aussi été un flop dans les salles. Il faut dire qu’il y a de quoi être dérouté devant ce spectacle. L’histoire ne suit pas d’ordre logique. Des protagonistes surgissent de manière impromptue sans avoir bénéficié d’une présentation réglementaire. Et tout ce beau monde converse sans que le spectateur n’ait forcément été préalablement mis dans la confidence.

L’aspect chaotique n’empêche pas Les Mantes religieuses de se montrer soigné, laissant entendre que le boxon ambiant est bel et bien voulu et non pas dû à un ratage en bonne et due forme. In fine, la production ressemble à un drôle de film d’auteur, même si l’on rencontre nombre d’acteurs provenant de la série B ou Z. Comme George Ardisson. En permanence torse nu, le bellâtre était Zorro l’intrépide en 1962 et le Baron Kurt Hummel dans La Sorcière sanglante en 1964. Dans un tout autre genre, le rôle de l’effrayant jardinier équipé de griffes affûtées se voit décerné à Fred Coplan, habitué des rôles d’homme de main au sein de plusieurs westerns italiens.

Le très beau Alain Noury, qui filtre avec Uschi Glas, figurera en revanche dans des œuvres plus respectables. Par exemple, il sera aux côtés d’Udo Kier dans Histoire d’O (1975). Mais on garde surtout en mémoire Un amour à trois (1969) où Alain Noury partage Mita Medici avec Ray Lovelock… À moins que ce ne soit l’inverse…

Les Mantes religieuses donnent le baiser de la mort

En ce qui concerne la bande-son, Peter Thomas compose une musique débridée et joyeuse à l’instar de celles qu’il a fournies à l’occasion d’innombrables Krimis, détonnant étrangement dans cette atmosphère psychédélique.

Une ambiance tourmentée qui a d’abord pour objectif de nous permettre de plonger avec Eve dans son traumatisme dû à un viol qu’elle a refoulé. L’enjeu du scénario, quant à lui, est de savoir si les meurtres se produisent réellement et si Eve finira par accepter de rejoindre ses sœurs d’armes. L’aspect horrifique promis par le titre français ne figure nullement au sein du métrage. Jamais le film ne se montre effrayant ni même choquant. La seule mise à mort se déroule de manière douce et presque joyeuse, même si l’arme du crime est une scie circulaire sur table.

Qu’importe, en cours de route, on reste subjugué par la beauté des images, le montage bizarroïde et le discours radical.


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Bande-annonce :

Article signé André Quintaine
D'origine allemande et passionné de cinéma de genre,
je vous propose de découvrir différentes facettes méconnues
du cinéma allemand sur ThrillerAllee. D'autres blogs où je suis actif :
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