Rheingold – du ghetto au sommet des charts

Rheingold, c’est tout d’abord l’un des mystères les plus incroyables de l’histoire criminelle allemande… En décembre 2009, plusieurs complices déguisés en policiers attaquent un convoi transportant de l’or. Sans user de violence, en abusant simplement de la crédulité des convoyeurs et des policiers, ils dérobent 120 kilos d’or et de bijoux pour une valeur de 1,7 million d’euros.

Les malfaiteurs prennent la poudre d’escampette. Interpol les traque. Les fuyards sont arrêtés en Irak où ils sont torturés pendant des mois avant d’être transférés en Allemagne et mis derrière les barreaux.

Mais personne ne sait où se trouve l’or…

Les Nibelungen

À l’origine, Rheingold (L’Or du Rhin en français) est un opéra de Richard Wagner dans lequel un rocher est protégé par trois ondines. Alberich, un nain d’une grande laideur, apparaît alors des profondeurs de la Terre pour faire la cour aux sirènes. Elles rejettent ses avances mais lui expliquent que celui qui renoncera à l’amour pourra forger un anneau d’or qui assurera à son porteur la richesse du monde…

Alberich n’est pas intéressé par l’amour, seule la lubricité l’intéresse. Ainsi, il parvient à s’emparer de l’or en trompant les candides ondines…

Rheingold, le film réalisé par Fatih Akin est, pour sa part, basé sur l’autobiographie parue en 2015 du rappeur Giwar Hajabi, connu sous le nom de Xatar. Le film raconte comment l’enfant issu d’une famille kurde qui a fui l’Iran pour s’installer à Bonn est parvenu, contrairement à Alberich, à s’emparer de l’or tout en ne renonçant pas à l’amour.

Vous l’aurez compris, l’auteur du casse du siècle, c’est Xatar.

Un destin hors du commun

Une fois arrivée en Allemagne, la famille s’installe dans une tour. C’est les années 80 et le père tente d’exercer son métier : il est chef d’orchestre. Lorsqu’il quitte sa famille pour une autre femme, Xatar, furieux, décide d’arrêter les cours de piano que son paternel lui imposait. Le rejeton tente alors de gagner de l’argent en vendant du porno sur VHS. Renvoyé du lycée, il doit trouver un autre débouché et s’intéresse alors au trafic de drogue.

Pour se défendre, il apprend les arts martiaux et devient un vrai dur. Il utilise alors la violence pour faire son trou, n’hésitant pas à frapper durement quiconque se met sur son chemin. Mais son ascension devient incertaine lorsqu’il perd stupidement une cargaison de drogue. Pour rembourser son fournisseur, Xatar décide de braquer un convoi transportant de l’or. Ce sera un échec mais cette mésaventure le rendra célèbre en Allemagne et l’amènera à connaître le succès en tant que rappeur.

Un film spectaculaire à la hauteur du braquage

Rheingold est un film spectaculaire permettant de voyager à travers l’Europe : Amsterdam, Paris, Bonn… et même au Moyen-Orient.

Les différents lieux où se déroule l’action assurent un dépaysement toujours agréable. Les rebondissements théâtraux et inattendus qui ponctuent la vie de Giwar Hajabi offrent au film un aspect hétéroclite, multiforme, qui se nourrit des oppositions. Ainsi, on passe sans transition de la musique classique au rap de rue. Pauvre, Xatar côtoie la richesse. On voyage de pays en pays avant de terminer notre voyage en prison. Xatar est le héros de l’histoire, mais c’est aussi un truand qui fait son beurre en vendant de la drogue…

Parfois, on a du mal à en croire nos yeux tant les risques pris par le personnage principal de cette histoire sont inouïs. Heureusement, la qualité de l’interprétation de l’acteur Emilio Sakraya rend parfaitement crédible toutes les péripéties qui pimentent l’action. Et franchement, il est facile d’apprécier le personnage de Xatar… En effet, même s’il s’écarte souvent du chemin de la vertu, le spectateur retiendra surtout sa capacité à toujours rebondir et à trouver des solutions, même quand la situation semble désespérée.

La réalisation assurée par Fatih Akin (In the Fade en 2017 avec Diane Kruger mais aussi le dérangeant Golden Glove en 2019 disponible chez Extralucid Films) aide à rendre plausible cette invraisemblable histoire. Ainsi, les passages dans la banlieue de Bonn sont particulièrement convaincants, grâce aux décors de barres d’HLM et à l’emploi de l’argot.

Une moralité à creuser

Le scénario se base sur l’autobiographie écrite par Xatar lui-même. Il explique : « Pour moi, il n’y avait pas qu’une seule vérité. Elles étaient innombrables. Il y avait une vérité pour ma famille, une autre pour le tribunal, il y en avait une pour mon art. Et il y avait ma vérité. Aujourd’hui, ma vérité est la somme de tous ces faits ».

On a bien compris que l’enjeu de Rheingold n’est pas de faire preuve de véracité mais plutôt de s’interroger sur le sens de la vérité puisque celle-ci peut effectivement varier selon le ressenti, l’interprétation et la sensibilité de chacun.

Quand on vit dans la misère, est-il condamnable de vendre de la drogue pour s’en sortir ? Est-ce juste de voler un téléphone portable pour s’enregistrer en train de rapper en prison et vendre des disques ?

Ces incohérences expliquent peut-être pourquoi personne ne cherche vraiment à savoir ce qu’est devenu cet or dérobé par Xatar, toujours pas retrouvé.

Bande-annonce